mardi 15 décembre 2009
Bel Canto
Un incontournable... (pas pour tout le monde, je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre) nous on avait ça, gotainer à la voix, et la france de la mère Denis derrière, "c'est bien vrai ça!" et oui c'était bien vrai tout ça, cette france agricole, où ça fleure bon le terroir dans la télé animée par des desseins de propagande économique, de plus value d'image à un fromage vraiment pas bon ou pas vraiment bon, au choix.
Mais quand on le mangeait, on avait tous en nous cette petite fille qui sourit en machant sa pâte molle.
Mais à la télé, son fromage, elle le donnait, c'était ça aussi qui était bien. Elle baguenaudait dans les paturages et donnait son fromage. Joie. Bonheur. Elle était belle, svelte, un jean, une chemise à carreaux, un panier en osier, elle se promenait et offrait à qui le demandait une part de ce fromage qui portait son image. Un peu d'elle.
Et en cette période d'incertitude sur l'identité française, et son avenir qui se joue. Je parle des jours comptés de Johnny Hallyday. (message en cours de rédaction je cherche un lien, peut-être rien... vers San Francisco!)
Le voilà... (mais il s'est quand même passé trois semaines depuis la dernière phrase, trois semaines dans cette ligne passée, est-ce que cela fait de cette ligne blanche une ligne plus intense que les autres?)
Voilà donc le lien vers San Francisco...
Et le lien se faisant, en moi, avec Belle des Champs est le suivant, non pas que Johnny soit le Bel du Chant, mais sur la notion de don. De don de fromage. De don de fleurs. Et cette phrase magnifique...
"Tous les hippies de San Francisco, vous donnerons tout ce qu'ils ont pour rien!"
Le don. Le don de fromage. Le don de fleurs coupées. La télé. Le pays où les gens parlent en silence, derrière des hauts parleurs donnant de la voix...
bougeant les lèvres pour la synchronicité tentée...
La chanson vient des états unis, Scott Mac Kenzie, adaptée par Johnny, la chantant et donnant des fleurs durant le premier couplet comme dans cette vidéo live en 67, trouvable sur le web, où il reproduit le même geste. Un invariable. Un repère. Une ritournelle. Qui s'incruste. La chanson nous est présentée ici par Michel Drucker, jeune, il a vieilli avec nous, qu'on le veuille ou non, comme Johnny... et ils restent là, "accrochés à ma mémoire, on y vient à pied, on ne frappe pas, ceux qui vivent là ont jeté la clé..."
Ceux qui vivent là, ont jeté la clé. Ma mémoire est une maison bleue. Une partie de moi, vient de là, de mon temps vécu.
A un endroit donné.
Dans une culture donnée.
Reçue. Recherchée.
Une culture qui dépasse le territoire pour m'irriguer du monde.
D'un certain monde qui se diffuse.
Et qui me donne des outils pour, à mon tour, saisir le réel.
Et faire un petit livre que voici.
Un prototype. La version finale sera sans doute sérigraphiée. J'ai un carnet complet de recherches dans l'atelier à écouter France Musique,tard la nuit, à bricoler, chercher des couleurs, précises, une solution pour agir, un mode opératoire qui lui aussi soit cohérent... Le tout pour un objet minimaliste réalisé avec une seule feuille, longue de papier plié, deux couleurs...
lundi 14 décembre 2009
Désinstallation & nouveau départ...
Le projet d'exposition était aussi celui-là, faire que toute la matière produite tienne dans une valise.
Un travail sur le déploiement, comme la carte dépliée: le contenu de la valise une fois ouverte vient occuper un espace d'exposition, espace qui lui sera alloué pendant un temps puis retournera dans la valise.
La valise dans le canoë.
Le canoë sur l'eau.
Le dé-vernissage se fera le 5 janvier avec la présentation du livre. Dans la foulée, le 5 ou le 7 c'est à confirmer, une projection se fera à Bruille Saint Amand, de vieux films en Super8 retrouvés à la Braderie de Lille mais montrant un défilé dans les rues de Bruille. Et ce qu'il y a autour...
La carte postale à coté du sous-bock Glen Baxter et une carte postale d'Irlande datant des années 60 et réalisée par le studio John Hinde. Il savait mettre en avant la nature, aussi bien que les endroits peuplés, se promenait toujours avec une scie dans sa voiture. Si un bloc de ciment, un détritus inamovible le gênait, il sciait une branche de rhododendron fleuri dans un jardin voisin et hop la nuisance disparaissait...
lundi 16 novembre 2009
Settlement ("installation" en anglais)
Aborder le lieu comme dernier endroit, comme l'installation finale de ce périple, de cette errance. Comment l'occuper, comment parler de ce temps passé sur le territoire? Comment dire ce qui, matérialisé, emplirait l'espace de la pièce? Comment dire justement la réalité rencontrée? Sans l'aplatir à deux trois images? Comment parler de la démarche? De la recherche, du périple, de ce que, moi, croisant ces chemins, j'ai vu? Comment poser ma vision? Ces images que je garde, toutes celles que déjà j'ai oubliées, perdues dans un vide intérieur, comme un courant d'air qui tourne autour de l'édifice, un nuage d'images non retenues qui pourtant forme le territoire... Comment le réduire à deux trois images qui resteront comme l'image du territoire, vision réduite du tout?
Je n'ai pu réussir à cela. Un diaporama tente cette approche, en posant, bout à bout, les images retenues par l'appareil, il est visible dans ce blog, posté en mars 2008. C'est l'approche simple de partage, proche d'une consommation habituelle d'image, de la narration cinématographique. J'ai préféré à cela l'oeuvre manquante.
Cette exposition est un pis-aller, retour sur un temps passé, dans un lieu, dont la conclusion fut actée en juillet:
"La traversée du territoire en canoë: entrée par sa frontière au sud-ouest, vers les marais de Vred, avancée lente sur un vielle rivière canalisée, abandonnée, La Scarpe, jusqu'à sa confluence aux confins du pays, là où elle se jette dans le monstre, l'Escaut qui l'engloutit pour passer la frontière, au grand nord-est du territoire. A Mortagne du Nord. Ville frontière.
Là est l'oeuvre, la vraie, cette performance, cette traversée vue par les chalands présents aux abords de la scarpe, témoins du passage, de ce bateau, en bois, portant voile, anachronique, dérivant doucement sur le flot presque arrêté de lentilles vertes. Là est l'oeuvre. La vraie. Une performance sans trace. Le reste aurait du être silence.
Mais il est là. Posé. Dernier éclat avant disparition.
Totale. Dans l'horizon du paysage."
L'installation a débuté par là.
Une paire de bottes, posées, un réchaud, la boite d'allumettes "golondria" et la tente. Les éléments étaient réunis dans ces objets: l'eau, le feu, l'air fendu par l'hirondelle du printemps sur l'azur éthéré immaculé et la terre, qui porte la tente.
L'attente aussi.
Une idée, planante, de survie: les bottes protégeant de l'eau, le feu éloignant les animaux sauvages, le toit, la pluie...
Et l'attente d'un territoire à découvrir: la carte portée à l'intérieur de la tente, une oeuvre graphique sur papier, une image portant les informations d'un paysage à sillonner. Bleu pour l'eau. Vert, la forêt. Orange, la frontière, celle que reprend le cordon traînant du gilet accroché dans la tente... gilet peu réglementaire, daté, censé me protéger d'une immersion trop brutale dans un des éléments du territoire: l'eau.
Immersion. Accroche.
Une épingle pose un plan vierge.
"A writing sheet". Murale. Venant du Chalet Alpin. Cette carte recueillera les derniers moments, les derniers instants liés à l'installation, dans ce lieu, et reliant l'obtus à l'obvie, le caché au vu. A d'infimes détails, difficilement trouvables.
Cette épingle est liée à une chose vue, un souvenir durant les Turbulentes de cette année, dans un jardin, près de l'eau aussi. Une corde à linge, tendue, traversait le jardin selon une oblique non maîtrisée, sauvage. Quelqu'un d'un peu rigide, aurait planté un poteau pour avoir dans son jardin cette corde à linge parfaitement dans l'alignement d'un petit chemin.
Là, non.
La corde partait d'un arbre qui était là, avant, jusqu'à un autre arbre lui aussi antérieur à l'installation du colon et de son cordon. La personne s'était adaptée à l'environnement. Et non l'inverse.
Ensuite j'ai posé au mur, un tableau, symptomatique pour moi de cette résidence sur le territoire et de la schizé produite.
Ce tableau a été réalisé ici, à wazemmes, hors territoire, dans l'atelier. Mais la ligne jaune provient d'un paysage vu sur la petite route qui mène à Douchy les Mines, quand on veut éviter de faire le tour par l'autoroute et Valenciennes. Ce paysage, non photographié (j'avais noté d'y retourner pour le faire, comme pour le fil à linge cité ci-dessus), est un champ de colza, aux abords de la route, et ce jour-là porteur d'une lumière qui me marqua. Il fait pour moi partie du tableau. Il était, en tout cas, dans mon esprit quand cette ligne, plusieurs fois je l'ai tracée, ici dans l'atelier. Une citation.
La ligne jaune=champ de colza sur la route de Douchy=champ de colza landa pour le spectateur.
Un générique. Pas remboursé par l'auteur du tableau.
Ensuite vient le lieu. Le lieu même d'installation. Qui porte ses propres idées... le carrelage et son quadrillage sont sans doute à l'origine de cette action d'appropriation de l'espace.
L'espace ainsi fut quadrillé. Il l'était déjà. Mais sans ordonnées ni abscisses. Que j'utilise comme références pour noter les endroits liés entre eux. Le B-8 est lié au M-6. AU B-8, la boite d'allumettes "Golondria", via l'espagnol, ou simplement l'image portée par la boite d'allumettes, au nom du canoé "L'hirondelle" situé en M-6.
Au final, un vieux Jules Verne est placé sur une table en résine blanche,(coque de bateau), à l'entrée, il parle d'un pays, d'une ville qui n'existe pas sur les cartes, sur les bords de l'escaut... Ce livre, "Le Docteur Ox" est placé exactement là ou il doit être. "O" en ordonnée, abscisse "10", en chiffre romain: "OX"
L'écriture fut. Lente. Elevée.
Le charbon choisi, est fait de charbon de saule. Saule pleureur. J'écris les mots avec un reste de saule. Au dessus du canoë. Les mots pleurent de sens vers l'embarcation. Des lettres noires, au charbon, tracées au fusain de saule, dont une partie tombe en poussières au sol... en tête, une chanson, Helen Merrill, une voix proche d'un simple souffle, chantant "willow weep for me"...
La phrase, lettre par lettre, s'écrit. S'il en manque une. Une lettre. Elle est bancale.
Chaque lettre a son rôle à jouer. Le tout parle.
Cette phrase-là est pour moi, complète, close. Une unité. Avec le bateau.
Les deux parlent d'une chose passée, sans la noyer des détails. D'une chose passée qui n'a pas fait de bruit. D'une eau coulée, sous un pont. De mon passage.
Et de l'absence de trace. Dans ce sillon ouvert puis refermé. Une vie.
Et en sortant ce soir-là, une dernière photo m'arrête, prise comme pour constater que, à oeil averti, le réel s'ouvre d'une poésie. La photo est épinglée et je note le sillon bleu du néon et la queue du cheval enseigne comme imbriqués dans la phrase écrite.
Dans ce genre d'instant une épiphanie s'ouvre, l'impression d'être dans le sens du monde, de mon monde sans doute.
Partagé ici.
samedi 31 octobre 2009
Reflet d'états, pièce ou trace?
Le lieu. L'importance du lieu. Le lieu d'exposition. Et ce qu'il en advient des objets posés sur la scène du sens...
Au vernissage, un journaliste voulait aborder l'exposition, le plus simplement possible, dans son article, revenant souvent à cette question "oui, mais pour le néophyte...?"
Etant infiniment, moi-même, très à cheval sur l'importance du "spectre", je comprends ce genre de question: la nécessité d'avoir un spectre large est fondateur pour moi dans ce genre de travail, et surtout dans ce médium: l'exposition.
Faire apparaître l'esprit et le faire voyager sur les remparts de la personne. Là est le spectre...
Le fantôme, la trace résiduelle dans le présent d'une présence passée, d'une traversée. La mienne.
Le Spectre. Un Personnage. Non carné. Constructible. Comme dans un roman. Un être construit par éléments apposés. Une partie valant pour le tout. Et vice versa. Synecdoque et compagnie. La réalité elle, est variable, multiple. Elle échappe à sa réduction, l'évolution que va prendre ce texte en est la preuve, un flot de mots, et son écoulement va se perdre dans un babillement de références, montagnes formant vallée. Nous pensions être en littérature et nous voilà en peinture. Le Spectre. Palette large de tonalités. Suite continue de couleurs dans la décomposition de la lumière blanche. Et nous revoici en littérature...
Lumière blanche: "Naked!" ( Hamlet dit, de retour à Elseneur): il ne joue plus (act) mais continue de jouer (play).
Décomposition. La baudelairienne charogne. C'est dans la décomposition de la lumière blanche que se trouve la naissance du spectre, des couleurs. Naissance d'une couleur, d'un drapeau, d'un identité, construite, ou à construire. À déconstruire, sans doute également. L'homme devient vitrail, d'une lumière blanche infusée il chatoie selon ses carreaux colorés et le motif plombé.
Le vitrail cassé, l'église est aux quatre vents. La lumière est la même que dehors. Blanche. Et dans l'église, aucune chose n'est réchauffée par la couleur d'un rayon chargé. Tout n'est que jeu d'ombre et de lumière. Blanche.
Blanche. Page. Mots.
Le Spectre est nécessaire à toute installation. C'est lui qui ouvre, accroche le regard et l'emmène. Voyage. "Enrapture", les anglais disent, "Enlèvement", "Se laisser emporter"...
Le travail, ici, se place sur plusieurs niveaux: le bureau, sa chaise, les cahiers, les bottes, les crayons, la tente, le canoë... tout cela campe le personnage créé, littéraire, écrivain occasionnellement, appelons-le, mettons, Dimitri Vazemsky. Le personnage, spectre, est l'accroche, la partie la plus visible du spectre, par tous. Un morceau carné.
Là, dans la partie la plus préhensile du spectre, la concierge n'est pas morte, ça raconte encore des histoires. N'est-ce pas? La confession étrangle, la racontouse quoi.
C'est par là que l'on rentre dans l'immeuble, dans l'espèce d'espace créé. Le récit débute ici. L'installation. Un bateau. Un texte. Une présence. La présente absence de l'auteur. Et la narration de l'acte.
'The deed is done!'
Le temps de cette narration se joue du linéaire: un début, une fin, on se laisse porter par une histoire, une succession d'images arrêtées, d'écluses à passer comme scandant le flux continu, le déplacement, l'écoulement, le temps, la rivière...
Dans ce cas précis, un canal. La Scarpe. Canalisée. De main d'homme travaillée. Comme tout roman.
On ne devrait jamais parler "d'écriture fleuve" mais "d'écriture canal".
Le fleuve étant naturel.
On en revient au paysage.
A sa place. A l'espace.
Naturel. Ou pas.
J'ai cherché tout au long de cette résidence, le "Wild" comme je l'appelle... difficilement traduisible, un sentiment sans doute... de solitude au milieu d'un environnement naturel... Mais qu'est ce qu'un "environnement naturel"? L'être humain, ipso facto, fait partie de la nature, étant lui-même un élément de celle-ci (souvenez-vous des premiers épisodes), son habitat même fait partie de cet "environnement naturel"... une "nature" plus ou moins teinté de "culture", même si, à la base, un abri pour se planquer de la pluie c'est naturel. Le reste est culturel. Et sans doute superflu, si ce n'est pour dire, exposer, son appartenance à une culture... La déco, ikéa, le nain de jardin et ses suppôts, flamants roses et vierges à la cruche en plastique blanc moulés.
Ce "Wild", pour moi, ressemble à un lieu de dépossession de cette culture, voire de toute culture, pour tenter de retrouver un endroit vierge de toute construction ou organisation culturelle. Une quête de l'essence brute et d'un rapport direct à l'espace. Mais également au temps.
Le regard et l'esprit se perdent dans une contemplation du paysage qui n'est pas arrêtée par une "marque culturelle", ou un "marqueur temporel" qui va venir briser l'errance, la neutralité contemplative comme je l'appelle, quand j'en discute avec Keats. Briser l'errance et imposer un rythme.
Autour de la Scarpe, l'omnipotence de l'homme n'est plus, les lentilles d'eau ont envahi les écluses, fermées, coincées, des cheminées d'usines oubliées se perdent sous la végétation, les pontons de bois vermoulus construits ornent des abords désormais inaccessibles, les plaques (d'humaines tectoniques?) qui canalisaient la voie d'eau se sont chevauchées, cassées, le canal retrouve lentement son statut de rivière. Et en lisière du lit, parlent encore les "bras morts".
"Bras morts"; on est dans une certaine poésie, "native". Non pas dans les images éculées véhiculées; mais dans un langage qui cherche à saisir, le plus justement possible, un fond non encore attrapé. Une lumière blanche non encore filtrée. Une image juste, simple et simplement juste.
Le Niveau Zéro de l'Ecriture ( projet d'écriture sur paysage entamé avec les lettres rouges) s'approche de ce geste. Imaginé à la lisère des vagues, il cherche à placer une phrase entre la terre ferme (terra cognita des savoirs acquis, terre connue, ferme et stable) et la houle mouvante, informée, de quoi on ne le sait mais le pressent, au milieu de cette bergère d'azur infini... aux reflets changeant, dansant, le long des golfes clairs, voyez près des étangs ses grands roseaux mouillés, ses oiseaux blancs et ces maisons rouillées...
Passage obligé. Regardez l'enregistrement, au milieu de la chansonnette, n'est-ce pas, Trenet fait une remarque sur "la mer", (les guillemets prouvent bien que nous parlons d'une chanson et non pas du réel). Il dit: "Un succès "américain"". La France en ce temps était "swing". Et cette question de formes liées à des territorialités, est intéressante. Toujours est-il qu'il n'est, à mon avis, plus possible de chanter "La mer" comme cela. De l'écrire comme cela. De nos jours. Et pourtant c'est comme ça que "la mer" fut construite dans biens des esprits...
Nous construisons le réel grâce aux images reçues, vues ou via le langage, la peinture, la vidéo, les cartes postales... ce sont des informations, avec lesquelles nous construisons une vision du monde, et puis, bien sûr, ma brave dame, y'a la réalité, mais la réalité est loin, très loin, avec son essence, celle qui touche le corps, mais sans vraiment de forme, vague, ailleurs que ces informations posées, parvenues au cerveau, assemblant les choses avec une étonnante facilité et une certaine beauté... et des fois, des fois, les deux coïncident, se rencontrent, comme du temps où je vivais, ( non pas dans le troisième dessous, ivrogne, immonde, infame...) mais dans un cottage aux portes du connemara, il m'arrivait, au sommet des montagnes, de voir s'étaler sous mes pieds ces terres brûlées au vent, des landes de pierres, autour du lac...
Derrière les mots, grisés, se cache un lien. Un emballage. Un arrangement. Des arrangements autour des paroles, des publicités, des couleurs, d'autres rengaines, tout ça est une voix, un ton, une façon de penser, une façon de se présenter... une époque aussi...
Par contre pour changer de sujet et parler de la forme, ses mots liés, à la dérobée, en grisé, donnent un mécanisme propre à l'écriture en réseau: avant, la référence était soit commune avec le lecteur, soit ne l'était pas... "comprend qui peut" comme dirait bobby lapointe. Désormais, ici, l'écriture des liens peut être tissée, le texte dérape vers un ailleurs, accessible, ouvrable, découvrable par le lecteur: l'explicitation du caché, du lien, là, juste derrière le texte grisé... un clic et vous y êtes: et la référence apparaît.
La référence plus une ou deux pubs en sus, une pour le club de rencontre dans le coin à droite, mettant à mal la solitude du lecteur, et puis on vous fait patienter, le temps du chargement, avec un jingle vantant les mérites d'une marque trop cool...
L'idéal est de reprendre à soi, importer le lien, ici, en un petit écran direct, et bidouiller le langage codé pour l'épurer de toutes scories que l'on vous file avec l'extrait importé, scorie en lui-même mais, vu d'ici, il reste ça:
J'ai du lutter, longtemps, je lutte encore pour ne pas avoir Sardou en tête, à la simple évocation du Connemara. Il fonctionne en moi comme un intrus, émergeant, que l'on voudrait aisément voir mort, poignardé dans sa baignoire...
"au connemara on sait tout le prix du silence!"
Impossible de prononcer "terre brûlée, au vent, des landes de pierres..." sans avoir la musique et la bobine à Sardou, fils de Jackie.
Je continue, dans la série "comment on se construit", j'ai grandi avec ça, entre autre... une partie pour le tout. Mais celle-là me touche. On connaît peu l'homme derrière les paillettes. Le personnage est complexe, tragique, coincé dans une représentation de soi qui sans doute est loin, tiraillé entre plusieurs cultures... sa mère jouait dans l'orchestre de Pablo Casals, son père était cinéaste, là on le voit chanter une reprise de Bob Marley, paroles retravaillées, adaptées, mais devant se confronter à l'antithèse de l'endroit même où il les expose: "Mon île est triste c'est une plateforme d'acier... " L'homme est en costume, noeud papillon, au bord d'une piscine... "la mer d'iroise?"
Comme chez Sardou, où le "prix du silence" jure devant le tumulte, le bruit et la fureur de cet orchestre clinquant, froid, avec son solo de clavier électrique tentant d'imiter un violon modulant ou un tin-whistle, on est dans une rupture complète du lien entre la parole et le texte... voyez par vous-même: un ouvrier sur un derrick pétrolier, chanté par un costard tiré à 4 épingles devant une piscine grand luxe, carte postale...
(je peine à conserver des liens vidéos durables sur ce post... la machine elle-même, blogger/google, me l'empèche,un lien vers la vidéo, sur youtube.be (belge) ne peut être intégré, rendant sa diffusion limitée, cet article perdant l'accés des liens vidéos selon le pays de connexion où vous êtes...)
Les livres présents dans le lieu d'exposition posent la même question, de la réalité augmentée, (le livre étant le premier objet de réalité augmentée, une vieillerie contrairement à ce que l'on tente de nous faire croire). "En canoé sur les rivières du nord" de Stevenson parle de ça, d'un rapport à la nature que l'on veut brut, vierge, mais d'un rapport et d'une appréhension qui se fait avec les outils laissés... Trenet, Sardou, Joe Dassin... et derrière ces trois là, le Spectre (007) de l'Amérique... "La mer", un tube dit "américain"... Joe dassin... "L'amérique, l'amérique, je veux l'avoir et je l'aurais..." et Sardou... avec, encore une fois, une archive ci-dessous: un monument de la Culture Française Môsieur, et qui ne pouvait exister qu'ici, et qui en est le plus "pur" produit... en lien avec notre sujet, avec, en plus, une belle leçon de chorégraphie kinétique, observez les gestes, sont-ils naturels?
Moi, dans mon canoë, j'avais en tête, souvent, le générique de Tom Sawyer... "C'est l'amérique, le symbole de la liberté..."
Je vous le remets, ici, sur la table...
Ah! si les Ricains n'étaient pas là, les Japonais n'en auraient pas fait des dessins animés...
Et puis il y a ça...
Là, il y a tout: des vrais américains, un "native" ("He who talks loud and say nothing" mais que l'on appelle "Personne"). D'autres, porteurs d'autres cultures, comme William Blake/Johnny Depp, portant involontairement le nom d'un poète, anglais, homonyme mais inconnu, contrairement à l'indien qui lui connait par coeur toute la poésie de William Blake. Le troisième homme est un vendeur, religieux... Puis il y a le canoé. "We need a canoe". Le vaisseau, cette forme qui permet de flotter à la surface. Même mort. Presque mort. La valeur d'un personnage, de son image. En train de mourrir, lui qui n'a jamais "vécu", comme la Dame de Shallot dérivant, morte ou pas? Mais dont la barque st gravée à son nom. Nom qui permet la diffusion, la reconnaissance, portrait robot, l'image permet de véhiculer des familiarités. Reconnaitre. Passer de nature à culture. Mort ou vif. Récompense de la reconnaissance. Sur le chemin. Nature, Culture. L'indien (nature) cite du William Blake (culture) en réponse à l'évangile cité par le marchand qui a installé sa tente dans le Wild West pour y vendre ses produits. Et puis il y a la force de la plume, de l'écriture, plantée vive, qui fige la main. La bouche de feu, qui parle lorsqu'il n'y a plus rien à dire, que d'occire...
Au vernissage, un journaliste voulait aborder l'exposition, le plus simplement possible, dans son article, revenant souvent à cette question "oui, mais pour le néophyte...?"
Etant infiniment, moi-même, très à cheval sur l'importance du "spectre", je comprends ce genre de question: la nécessité d'avoir un spectre large est fondateur pour moi dans ce genre de travail, et surtout dans ce médium: l'exposition.
Faire apparaître l'esprit et le faire voyager sur les remparts de la personne. Là est le spectre...
Le fantôme, la trace résiduelle dans le présent d'une présence passée, d'une traversée. La mienne.
Le Spectre. Un Personnage. Non carné. Constructible. Comme dans un roman. Un être construit par éléments apposés. Une partie valant pour le tout. Et vice versa. Synecdoque et compagnie. La réalité elle, est variable, multiple. Elle échappe à sa réduction, l'évolution que va prendre ce texte en est la preuve, un flot de mots, et son écoulement va se perdre dans un babillement de références, montagnes formant vallée. Nous pensions être en littérature et nous voilà en peinture. Le Spectre. Palette large de tonalités. Suite continue de couleurs dans la décomposition de la lumière blanche. Et nous revoici en littérature...
Lumière blanche: "Naked!" ( Hamlet dit, de retour à Elseneur): il ne joue plus (act) mais continue de jouer (play).
Décomposition. La baudelairienne charogne. C'est dans la décomposition de la lumière blanche que se trouve la naissance du spectre, des couleurs. Naissance d'une couleur, d'un drapeau, d'un identité, construite, ou à construire. À déconstruire, sans doute également. L'homme devient vitrail, d'une lumière blanche infusée il chatoie selon ses carreaux colorés et le motif plombé.
Le vitrail cassé, l'église est aux quatre vents. La lumière est la même que dehors. Blanche. Et dans l'église, aucune chose n'est réchauffée par la couleur d'un rayon chargé. Tout n'est que jeu d'ombre et de lumière. Blanche.
Blanche. Page. Mots.
Le Spectre est nécessaire à toute installation. C'est lui qui ouvre, accroche le regard et l'emmène. Voyage. "Enrapture", les anglais disent, "Enlèvement", "Se laisser emporter"...
Le travail, ici, se place sur plusieurs niveaux: le bureau, sa chaise, les cahiers, les bottes, les crayons, la tente, le canoë... tout cela campe le personnage créé, littéraire, écrivain occasionnellement, appelons-le, mettons, Dimitri Vazemsky. Le personnage, spectre, est l'accroche, la partie la plus visible du spectre, par tous. Un morceau carné.
Là, dans la partie la plus préhensile du spectre, la concierge n'est pas morte, ça raconte encore des histoires. N'est-ce pas? La confession étrangle, la racontouse quoi.
C'est par là que l'on rentre dans l'immeuble, dans l'espèce d'espace créé. Le récit débute ici. L'installation. Un bateau. Un texte. Une présence. La présente absence de l'auteur. Et la narration de l'acte.
'The deed is done!'
Le temps de cette narration se joue du linéaire: un début, une fin, on se laisse porter par une histoire, une succession d'images arrêtées, d'écluses à passer comme scandant le flux continu, le déplacement, l'écoulement, le temps, la rivière...
Dans ce cas précis, un canal. La Scarpe. Canalisée. De main d'homme travaillée. Comme tout roman.
On ne devrait jamais parler "d'écriture fleuve" mais "d'écriture canal".
Le fleuve étant naturel.
On en revient au paysage.
A sa place. A l'espace.
Naturel. Ou pas.
J'ai cherché tout au long de cette résidence, le "Wild" comme je l'appelle... difficilement traduisible, un sentiment sans doute... de solitude au milieu d'un environnement naturel... Mais qu'est ce qu'un "environnement naturel"? L'être humain, ipso facto, fait partie de la nature, étant lui-même un élément de celle-ci (souvenez-vous des premiers épisodes), son habitat même fait partie de cet "environnement naturel"... une "nature" plus ou moins teinté de "culture", même si, à la base, un abri pour se planquer de la pluie c'est naturel. Le reste est culturel. Et sans doute superflu, si ce n'est pour dire, exposer, son appartenance à une culture... La déco, ikéa, le nain de jardin et ses suppôts, flamants roses et vierges à la cruche en plastique blanc moulés.
Ce "Wild", pour moi, ressemble à un lieu de dépossession de cette culture, voire de toute culture, pour tenter de retrouver un endroit vierge de toute construction ou organisation culturelle. Une quête de l'essence brute et d'un rapport direct à l'espace. Mais également au temps.
Le regard et l'esprit se perdent dans une contemplation du paysage qui n'est pas arrêtée par une "marque culturelle", ou un "marqueur temporel" qui va venir briser l'errance, la neutralité contemplative comme je l'appelle, quand j'en discute avec Keats. Briser l'errance et imposer un rythme.
Autour de la Scarpe, l'omnipotence de l'homme n'est plus, les lentilles d'eau ont envahi les écluses, fermées, coincées, des cheminées d'usines oubliées se perdent sous la végétation, les pontons de bois vermoulus construits ornent des abords désormais inaccessibles, les plaques (d'humaines tectoniques?) qui canalisaient la voie d'eau se sont chevauchées, cassées, le canal retrouve lentement son statut de rivière. Et en lisière du lit, parlent encore les "bras morts".
"Bras morts"; on est dans une certaine poésie, "native". Non pas dans les images éculées véhiculées; mais dans un langage qui cherche à saisir, le plus justement possible, un fond non encore attrapé. Une lumière blanche non encore filtrée. Une image juste, simple et simplement juste.
Le Niveau Zéro de l'Ecriture ( projet d'écriture sur paysage entamé avec les lettres rouges) s'approche de ce geste. Imaginé à la lisère des vagues, il cherche à placer une phrase entre la terre ferme (terra cognita des savoirs acquis, terre connue, ferme et stable) et la houle mouvante, informée, de quoi on ne le sait mais le pressent, au milieu de cette bergère d'azur infini... aux reflets changeant, dansant, le long des golfes clairs, voyez près des étangs ses grands roseaux mouillés, ses oiseaux blancs et ces maisons rouillées...
Nous construisons le réel grâce aux images reçues, vues ou via le langage, la peinture, la vidéo, les cartes postales... ce sont des informations, avec lesquelles nous construisons une vision du monde, et puis, bien sûr, ma brave dame, y'a la réalité, mais la réalité est loin, très loin, avec son essence, celle qui touche le corps, mais sans vraiment de forme, vague, ailleurs que ces informations posées, parvenues au cerveau, assemblant les choses avec une étonnante facilité et une certaine beauté... et des fois, des fois, les deux coïncident, se rencontrent, comme du temps où je vivais, ( non pas dans le troisième dessous, ivrogne, immonde, infame...) mais dans un cottage aux portes du connemara, il m'arrivait, au sommet des montagnes, de voir s'étaler sous mes pieds ces terres brûlées au vent, des landes de pierres, autour du lac...
Derrière les mots, grisés, se cache un lien. Un emballage. Un arrangement. Des arrangements autour des paroles, des publicités, des couleurs, d'autres rengaines, tout ça est une voix, un ton, une façon de penser, une façon de se présenter... une époque aussi...
Par contre pour changer de sujet et parler de la forme, ses mots liés, à la dérobée, en grisé, donnent un mécanisme propre à l'écriture en réseau: avant, la référence était soit commune avec le lecteur, soit ne l'était pas... "comprend qui peut" comme dirait bobby lapointe. Désormais, ici, l'écriture des liens peut être tissée, le texte dérape vers un ailleurs, accessible, ouvrable, découvrable par le lecteur: l'explicitation du caché, du lien, là, juste derrière le texte grisé... un clic et vous y êtes: et la référence apparaît.
La référence plus une ou deux pubs en sus, une pour le club de rencontre dans le coin à droite, mettant à mal la solitude du lecteur, et puis on vous fait patienter, le temps du chargement, avec un jingle vantant les mérites d'une marque trop cool...
L'idéal est de reprendre à soi, importer le lien, ici, en un petit écran direct, et bidouiller le langage codé pour l'épurer de toutes scories que l'on vous file avec l'extrait importé, scorie en lui-même mais, vu d'ici, il reste ça:
J'ai du lutter, longtemps, je lutte encore pour ne pas avoir Sardou en tête, à la simple évocation du Connemara. Il fonctionne en moi comme un intrus, émergeant, que l'on voudrait aisément voir mort, poignardé dans sa baignoire...
"au connemara on sait tout le prix du silence!"
Impossible de prononcer "terre brûlée, au vent, des landes de pierres..." sans avoir la musique et la bobine à Sardou, fils de Jackie.
Je continue, dans la série "comment on se construit", j'ai grandi avec ça, entre autre... une partie pour le tout. Mais celle-là me touche. On connaît peu l'homme derrière les paillettes. Le personnage est complexe, tragique, coincé dans une représentation de soi qui sans doute est loin, tiraillé entre plusieurs cultures... sa mère jouait dans l'orchestre de Pablo Casals, son père était cinéaste, là on le voit chanter une reprise de Bob Marley, paroles retravaillées, adaptées, mais devant se confronter à l'antithèse de l'endroit même où il les expose: "Mon île est triste c'est une plateforme d'acier... " L'homme est en costume, noeud papillon, au bord d'une piscine... "la mer d'iroise?"
Comme chez Sardou, où le "prix du silence" jure devant le tumulte, le bruit et la fureur de cet orchestre clinquant, froid, avec son solo de clavier électrique tentant d'imiter un violon modulant ou un tin-whistle, on est dans une rupture complète du lien entre la parole et le texte... voyez par vous-même: un ouvrier sur un derrick pétrolier, chanté par un costard tiré à 4 épingles devant une piscine grand luxe, carte postale...
(je peine à conserver des liens vidéos durables sur ce post... la machine elle-même, blogger/google, me l'empèche,un lien vers la vidéo, sur youtube.be (belge) ne peut être intégré, rendant sa diffusion limitée, cet article perdant l'accés des liens vidéos selon le pays de connexion où vous êtes...)
Les livres présents dans le lieu d'exposition posent la même question, de la réalité augmentée, (le livre étant le premier objet de réalité augmentée, une vieillerie contrairement à ce que l'on tente de nous faire croire). "En canoé sur les rivières du nord" de Stevenson parle de ça, d'un rapport à la nature que l'on veut brut, vierge, mais d'un rapport et d'une appréhension qui se fait avec les outils laissés... Trenet, Sardou, Joe Dassin... et derrière ces trois là, le Spectre (007) de l'Amérique... "La mer", un tube dit "américain"... Joe dassin... "L'amérique, l'amérique, je veux l'avoir et je l'aurais..." et Sardou... avec, encore une fois, une archive ci-dessous: un monument de la Culture Française Môsieur, et qui ne pouvait exister qu'ici, et qui en est le plus "pur" produit... en lien avec notre sujet, avec, en plus, une belle leçon de chorégraphie kinétique, observez les gestes, sont-ils naturels?
Moi, dans mon canoë, j'avais en tête, souvent, le générique de Tom Sawyer... "C'est l'amérique, le symbole de la liberté..."
Je vous le remets, ici, sur la table...
Ah! si les Ricains n'étaient pas là, les Japonais n'en auraient pas fait des dessins animés...
Et puis il y a ça...
Là, il y a tout: des vrais américains, un "native" ("He who talks loud and say nothing" mais que l'on appelle "Personne"). D'autres, porteurs d'autres cultures, comme William Blake/Johnny Depp, portant involontairement le nom d'un poète, anglais, homonyme mais inconnu, contrairement à l'indien qui lui connait par coeur toute la poésie de William Blake. Le troisième homme est un vendeur, religieux... Puis il y a le canoé. "We need a canoe". Le vaisseau, cette forme qui permet de flotter à la surface. Même mort. Presque mort. La valeur d'un personnage, de son image. En train de mourrir, lui qui n'a jamais "vécu", comme la Dame de Shallot dérivant, morte ou pas? Mais dont la barque st gravée à son nom. Nom qui permet la diffusion, la reconnaissance, portrait robot, l'image permet de véhiculer des familiarités. Reconnaitre. Passer de nature à culture. Mort ou vif. Récompense de la reconnaissance. Sur le chemin. Nature, Culture. L'indien (nature) cite du William Blake (culture) en réponse à l'évangile cité par le marchand qui a installé sa tente dans le Wild West pour y vendre ses produits. Et puis il y a la force de la plume, de l'écriture, plantée vive, qui fige la main. La bouche de feu, qui parle lorsqu'il n'y a plus rien à dire, que d'occire...
mercredi 7 octobre 2009
"the end is nigh"
La fin est proche. Les choses se referment. le temps est compté. Moins conté sans doute. L'urgence est là. Avec l'automne. L'aventure va se refermer, se clore là. Dans une salle de l'école d'art. Toutes les traces de ma rencontre avec le territoire en question. Porte du Hainaut et Parc Naturel Scarpe Escaut. Tout sera là.
En annexe.
La vraie oeuvre, clôturant la résidence, réalisée, était un passage, une traversée. Un canoé, entrant dans le territoire vers les marais de Vred, et traversant la contrée, jusqu'à son autre frontière, belge. Juste le passage d'un homme en canoé dans le paysage. Le sillon tracé se refermant derrière lui.
La navette de la fermeture éclair
ouvrit l'espace
Le sillon, ouvert, par la proue
se referma aussitôt,
vert de nouveau,
couleur lentilles d'eau.
Aucune trace de mon passage...
Juste une force qui va. Juste ça.
Pagayant. Ou poussé par le vent.
Traversant. Aucune trace de mon passage...
Aucunes?
Si tel était le cas,
l'exposition serait un hommage
à Yves Klein... Au vide.
& ses métamorphoses.
...mais durant la traversée (chute?) je n'ai pu m'empêcher:
croquer, notes, dessins, photos...
si je suis passé dans le paysage
le paysage, lui, est passé, en moi
impossible de me taire...
taire la rencontre
lundi 3 août 2009
Vred ("Scarpbooking", part #2)
La photo est floue. Le monde aussi. Ses frontières.
Vred Bled. 14h32. Un jour de pluie.
L'horloge se dit de Kensington. Ou en donne l'air. La déco est méxicaine (peinture sur le mur du fond et niche avec statue) et en donne vraiment l'air. Le raisin, vert perpétuellement, est en plastique. Luce est anglaise, elle vient de Brighton, mais vit en ce moment dans un chalet alpin à Chamonix. Comme le chocolat sur la table. Alpin. Andrès est chilien, son fils va à l'école de ma fille, à wazemmes, nous sommes voisins. On parle. Lui au Chili écrit sur le paysage avec des grosses lettres de glace, moi avec des lettres rouges en bois. Le monde est petit. A son accent le patron est un étranger, il confirme être de la métropole, de Tourcoing. Un temps cabaretier à Oleron. Puis retour dans le Nord, ici à Vred.
Les espaces s'entrecroisent. Se chargent l'un de l'autre. Via les porteurs qui les ont traversés. S'en sont chargés. Et modifient le second en fonction du premier. Les espaces naturels, pour rester un tant soit peu naturels, doivent se protéger de ça.
Ici à Vred, les gaulois étaient là, il y a longtemps. Pas de télés, pas internet. Et contrairement aux hommes préhistoriques présents, on peut imaginer que ces gaulois avaient, des fois, la visite de gens costumés (les hommes préhistoriques ne l'étant pas, puisque nus, le poil étant sans doute différent selon les tribus, les différences étaient sans doute plus subtiles que l'uniformisation du à une mode, une culture) comme des Romains ou quelques Vikings ( pour revenir à cet histoire de costumes, je m'avance un peu je crois, puisque suite à des recherches, j'ai remarqué que pour les braies, elles étaient semblables pour les gaulois, romains et vikings: la preuve est ici sur e-bay où un internaute vend des braies neuves de Romain Gaulois Vikings).
Les gaulois donc étaient là. Les temps se croisent. le village fut donné à l'abbaye d'Anchin lors de sa fondation en 1079. Les gaulois se chauffaient sans doute déjà à la tourbe ( les espaces en moi se croisent: j'ai vécu deux ans en irlande, à Oughterard, aux portes du Connemara, la rivière au bout du jardin finissant dans le Lough Coriib, l'hiver je me chauffais à la tourbe, le reste du village aussi, ce qui donnait à l'espace une odeur particulière, celle de la tourbe brûlée, et une sensation de communauté dans ces cheminées fumantes à la tombée de la nuit, attrapant les rayons de lune... mais je m'éloigne...) (non en fait je suis en plein dedans: la perception de l'espace ne se faisant que par le sujet même arrivant avec son histoire, son regard et son idée de "nature"...)
On me l'a dit donc, et ça se voit encore, là à quelques pas, dans la tourbière ancestrale. Et l'histoire, facilement imaginable dans mon esprit se colle lentement au lieu. On me renseigne et j'augmente mon regard de cette information: "La tourbière de Vred, zone humide continentale d'une superficie de 41 ha., s'inscrit dans le système alluvial de la basse Scarpe (près de 40 000 ha). Elle repose sur des alluvions tourbeuses dans lesquelles l'eau circule très difficilement en raison de l'absence quasi totale de pente : situé entre 16 et 17,5 m, le site tend à décrire une cuvette par rapport à son environnement immédiat. Géologiquement, la réserve se caractérise par une accumulation hétérogène de sables et d'argiles tertiaires reposant sur des couches crayeuses.
La réserve est l'une des trois dernières tourbières alcalines actives de la région. En effet, la tourbe fut autrefois exploitée (XIIIe jusqu'à la fin du XVIIIe siècle), activité qui fut ensuite supplantée par la fauche et les pratiques maraîchères favorisées par la mise en place d'un important réseau de drainage subsistant encore aujourd'hui (de nombreux fossés, plus ou moins atterris, jalonnent l'ensemble de la réserve). Deux étangs sont présents sur la réserve : un étang de chasse et un second, plus au sud. La chasse au gibier d'eau y est pratiquée ; la pêche l'est, quant à elle, occasionnellement.
La variété des milieux (bois, étangs, roselières, sphagnaies) et les nombreuses unités de végétation (33 au total) accueillent une diversité de vie étonnante (flore, invertébrés, vertébrés et fonge).
A ce jour, ce patrimoine est riche, au moins : 267 espèces végétales (17 protégées), plus de 170 espèces de champignons (dont 15 uniques pour la région), 98 espèces d'arachnides et opilions, 16 espèces d'odonates, 6 espèces d'amphibiens (dont Rana arvalis), 98 espèces d'oiseaux (près de 60 nicheurs)…Des peupleraies et des frênaies sont également à signaler, surtout au nord et à l’est de la Grande Tourbière. Avec le marais de Marchiennes, le site abrite sans doute une des dernières tourbières encore actives du Nord, avec en particulier une tourbière boisée flottante à phaignes plus ou moins unique au niveau régional. Sur une cinquantaine d’hectares,de précieux biotopes marécageux ont ainsi pu se différencier, hébergeant une flore et des communautés végétales parmi les plus rares et les plus originales du Nord-Pas-de-Calais."
Toujours est-il que mon esprit est une tourbière aussi, un étang profond sur lequel des particules en suspension se sont mises à flotter, flotter, je suis tellement abreuvé d'informations que ces particules en suspension sont devenues croûte, je me déplace dessus aisément, posant des fois, si l'attention fait défaut, le pied dans une trappe, un endroit moins "solide"... déchu, je ne marche plus sur l'eau, mon corps s'y enfonce, au dessous de cette banquise de limon, neuf à dix mètres d'eau... là où les particules en suspension n'ont pas cette solidité croûteuse, solidité qui n'existerait pas sans ce liquide amniotique, nourricier, porteur... Au sommet des Twelves Bens, de Ben Bulben ou autre montagne spongieuse du Connemara, le sol et l'eau qu'"il contient, ou l'inverse, l'eau qui contient le sol, porte les vibrations de chaque pas très loin.
Si je saute en l'air, l'onde de ma chute sera perçue à une dizaine de mètres de là, par un voisin.
Peut-on percevoir des choses sans toujours les ramener à soi?
In the beginning... ("Scarpbooking", part #1)
Dernier café avant l'épopée. Quatre jours de canoë, remontant la scarpe, rivière canalisée fermée, délaissée, traversant le parc naturel, jusqu'à la frontière belge, pour se jeter dans l'escaut.
Dernier café international à Vred avec Andrès Costa ( from Valparaiso, Chile, du projet Escalofrio) et Luce Choules (Brighton, en résidence avec le Centre Régional de la Photographie). Dehors la pluie tombe.
vendredi 17 juillet 2009
Rebondissement
Une caisse de Super8 achetée l'année dernière à la braderie de Lille. Je suis là, à wazemmes, et sur le mur de ma chambre apparait des images du "territoire", des paysages connus... le mémorial de Bruille Saint Amand, j'y suis passé avec "les joyeux godillots" de Mortagne du Nord à l'époque j'écrivais une texte, fiction, autour du géant de Mortagne, Tutur L'oziau pour ne pas le nommer, la nouvelle s'appelle "L'Anoure toujours l'Anoure", un projet de La Pluie d'Oiseaux.
Cette résidence sur le "territoire" m'a fourni un bâton de cristallisation, sur lequel tout rapport (x/y) vient se greffer... et qu'il est impossible d'arrêter, de délimiter en terme d'action... le livre "Empreintes et métamorphoses" sur le bassin minier et édité chez Ouest France l'année dernière, pour moi est également lié à cette résidence, sans elle je n'aurais pu écrire la majorité des textes en toute connaissance de cause, du terrain...
En octobre, une série d'événements clotureront cette résidence qui devait durer 4 mois, et qui finalement m'a tenu quelques années... Toutes les traces de mon lien avec le "territoire" seront présentées à Mortagne, à l'école d'art itinérante... une sorte de point, punctum, tel une recherche sur la toile avec deux mots clés "vazemsky + territoire concerné".
Cette résidence a créé un lien spécial avec une zone délimitée, comme une façon de cristalliser une pensée, avec ses travers habituels (la mienne), se figeant sur un espace, un terrain spécifique. Un territoire, de fait. Accueillant mon corps, mouvant et scripteur. Les traces laissées par cette rencontre formant une géographie subjective du lieu. Une géo-graphie. Ou "géo" bataille avec "égo". L'égographie d'un lieu.
Un leurre. "Devenir transparent. Devenir machine."
Un corps passeur, posant toujours sa frontière, sa tessiture percevant le sujet.
Sujet d'étude versus Sujet scruant.
jeudi 16 juillet 2009
done!
(clic sur image, agrandissement commandé...)
voilà le voyage fut fait, des confins du territoire aux confins d'un autre territoire, des marais de Vred à la confluence, lorsque la scarpe rejoint l'escaut à mortagne... trois jours de canoë, sans rencontrer aucune embarquation, un vrai bonheur... j'étais Tom Sawyer, plus que Stevenson. En attendant la suite, voilà un panoramique après l'écluse de Warlaing.... j'ai touché le "Wild" souvent, que je cherchais... dans ce tiers paysage, délaissé, abandonné, où la Nature a repris le dessus... sur une désolation industrielle, les signes d'activité dépassée marquent encore le paysage, avec leur beauté nostalgique de ruines, de grandeur déchue, je suis seul, pagayant, dans les lentilles d'eau obstruant la percée aisée... un couple de cygnes me défie, ailes relevées claquant sur l'eau, protégeant quatre cygnons gris cendrés...
mercredi 8 juillet 2009
Démarque inconnue...
Le gros du travail est là, en préparatifs, vernir le canoé, poncer, préparer les sacs, choisir, effacer et occulter les marques, je ne suis pas un panneau publicitaire; je fais le choix de ce qui passe ou ne passe pas par moi: une tente sur laquelle on lit en gros "quéchua", je suis contre, j'aurais l'impression d'être un colon publicitaire au beau milieu d'une nature vierge de mots.
Je peux par contre raviver d'autres références, mes marques, à moi... Jim Harrison, "Théorie et Pratique des Rivières", je vous montrerai l'intérieur du livre en vidéo dès que faire se peut...
Ce soir, poser mes marques se fait par l'occultation d'autres marques, le caviardage au feutre permanent d'un logo, le collage d'une bande unie d'adhésif sur chaque nom de magasin, le retournement des sacs pour voir les coutures plutôt que l'enseigne au nom d'améridien.
Le tout en écoutant James Taylor, "A man and his dog", j'avais oublié que, sur la pochette, il était sur une barque...
Imminence présente...
Le voyage a commencé. Tonkinois. C'est la marque du vernis. Une référence. Pour moi. En entrainant d'autres. Gabin et son Yang-Tsé, en noir et blanc. Je fouille dans les rayons du grenier. Près du lit, non. Dans la bibliothèque au fond, oui. Voilà, "Un singe en hiver", Antoine Blondin. Le voyage a commencé. Et ici commence comme ça. Incipit... "Une nuit sur deux, Quentin Albert descendait le Yang-tsé-kiang dans son lit-bateau: trois mille kilomètres jusque l'estuaire, vingt-six jours de rivière..."
Et me voilà parti, détourné... ""quand on ne rencontrait pas les pirates, double ration d'alcool de riz si l'équipage indigène négligeait de se mutiner." Détourné. Du droit chemin de ma pensée. Je ne la contrôle pas. Je pourrais réduire les voiles. Arrêter Neil Young dans l'air qui ponctue les stances de Blake lues par Depp... "The whole creation will be consumed and appear infinite and holy Where as it now appears finite and corrupt This will come to pass by an improvement of sensual enjoyement But the first notion that man has a body distinct from his soul is to be expunged"... Détourné par un singe en hiver, une canonière remontant le Yang-tsé-kiang, une barque portant le corps de William Blake traversant l'espace sépia devant mes yeux. Détourné, je voulais juste dire le voyage a commencé. Le vernis appliqué. C'est lui qui fermera les interstices ouvert par le temps entre les lames de bois que la main de l'homme a joint il y a très longtemps. Le canoé est ancient. L'age de ma grand-mère peut-être. Avant l'écriture du Singe en Hiver.
Je vais essayer de poser ma journée, en image, uniquement. je n'y arriverai pas, je le sais. Ne pourrai pas m'empécher. De dire, glisser des mots entres les images. Voici les traces imagées de ma journée. La première couche a séché, deux jours, une nuit. Le bois a bu, là ou les flots l'avait usé, là où rien ne le protégeait. Surprise dans l'atelier. Seuls les clous n'ont pas bu le vernis.
Je nettoie l'intérieur du canoë, lui aussi a besoin de vernis. Pendant un moment, j'ai cherché à lui donner un nom à ce canoë, j'ai lu la préface du Stevenson, "En canoë sur les rivières du Nord" chez Babel, un des bateaux se nommait "Cigarette". Dans "The Lady of Shallot" de Lord Alfred Tennyson, elle grave son nom sur la barque avant se laisser porter par les flots. Là, ce soir, pour moi la barque est clairement le corps flottant dans cette histoire, alors qu'elle, The Lady of Shallot, sortant de sa tour, est une figure de l'esprit, l'esprit enfermé tissant tapisseries à longueur de journées. La tour est un autre corps, sur une île, isolé... immobile.
Je reviens à mon canoë et à l'envie de le nommer. Mais c'est déjà fait. Ou presque. "L'hirondelle".
Voilà comment je vais l'appeler. Reprendre le nom sur la plaque en cuivre oxydé. Et d'un nom générique, le nom du produit, en faire une image unique. A la tombée du jour, par temps lours, l'hirondelle frôle et rase la surface des flots, haper en plein vol une goutte d'eau volée au miroir.
A quel point cette plaque n'a pas en moi provoqué l'émergence d'un autre référence? Je vernis ce canoë sur une hauteur, dans mon village d'enfance, surmplombant la plaine des flandres. Les Weppes. Weppes en ancien flamand signifierait l'Ouest. la dernière partie des flandres avant le butoir des collines de l'artois. La plaque porte elle un nom de lieu, Nogent-le-Perreux.
Flandres+ Hirondelle + Nogent = une chanson
Flandres=Godesvarvelde
Hirondelle= Hirondelle
Nogent= Faubourg
Mon tout: La voix de Raoul chantant "L'hirondelle des faubourgs".
Paroles et musique: Ferdinand-Louis Bénech, Ernest Dumont, 1912
"A l'hôpital c'est l'heure de la visite
Le médecin en chef passe devant les lits:
Le numéro treize, qu'est-ce qu'elle a cette petite?
C'est la blessée qu'on amena cette nuit
N'ayez pas peur, faut que je sonde vos blessures
Deux coups de couteau... près du coeur... y'a plus de sang!
Non, pas perdue... à votre âge on est dure
Seulement tout de même faut prévenir vos parents!
Mais la mourante alors a répondu:
Je suis toute seule depuis que maman n'est plus.
On m'appelle l'Hirondelle du Faubourg
Je ne suis qu'une pauvre fille d'amour
Née un jour de la saison printanière
D'une petite ouvrière
Comme les autres j'aurais peut-être bien tourné,
Si mon père au lieu de m'abandonner
Avait su protéger de son aile,
L'Hirondelle
Le docteur reprit: Vous portez une médaille
C'est un cadeau, sans doute, de votre amant?
Non c'est le souvenir de l'homme, du rien qui vaille
De l'homme sans coeur qui trompa ma maman!
Laissez moi lire: André, Marie-Thérèse
Mais je la reconnais cette médaille en argent
Et cette date: Avril quatre-vingt-treize!
Laissez-moi seul, je veux guérir cette enfant
Vous me regardez tous avec de grands yeux
C'est mon devoir de soigner les malheureux.
On l'appelle l'Hirondelle du Faubourg
Ce n'est qu'une pauvre fille d'amour
Née un jour de la saison printanière
D'une petite ouvrière
Comme les autres elle aurait bien tourné,
Si mon père au lieu de l'abandonner
Avait su protéger de son aile,
L'Hirondelle
Le numéro treize toujours quarante de fièvre
Oui... ça ne va pas comme je l'avais espéré
Je vois la vie s'échapper de ses lèvres
Et rien à faire... rien... pour l'en empêcher!
Je suis un savant, j'en ai guéri des femmes
Mais c'est celle-là que j'aurais voulu sauver.
La voilà qui passe... écoute retiens ton âme
Je suis ton père ma fille bien-aimée...
Je ne suis pas fou... je suis un malheureux
Vous mes élèves, écoutez... je le veux.
On l'appelait l'Hirondelle du Faubourg
C'était une pauvre fille d'amour
Née un jour de la saison printanière
D'une petite ouvrière
Comme les autres elle aurait bien tourné,
Si lâchement au lieu de l'abandonner
J'avais su protéger de mon aile,
L'Hirondelle."
Et moi je vernis l'Hirondelle trouvée dans une grnage d'Oxelaere, une "Hirondelle" héritée qui, depuis la mort du parent en question, n'a pas pris l'eau. D'après ce que j'ai compris...
Par contre le fait que Raoul de Godesvarvelde, à deux encablures de Oxelaere, a aussi chanté "Ma Tonkinoise" n'a pas de rapport direct, mais plutôt par devers moi, avec "L'hirondelle"... quoique...
Au départ "La petite tonkinoise" s'appelait "Le Navigatore"...
"Je ne suis pas un grand actore
Je suis navi, navi, navi, navigatore
Je connais bien l'Amérique
Aussi bien que l'Afrique
J'en connais bien d'autres encore
Mais de ces pays joyeux
C'est la France que j'aime le mieux. "
Même si on reste dans le fluvial vous le verrez avec la remouture du "Navigatore" en "Petite Tonkinoise", lisez les paroles et laissez vous couler dans le lit des mots et là, vous allez voir, la musique arrive...
"L'soir on cause d'un tas d'choses
Avant de se mettre au pieu
J'apprends la géographie
D'la Chine et d'la Mandchourie
Les frontières, les rivières
Le Fleuve Jaune et le Fleuve Bleu
Y a même l'Amour c'est curieux
Qu'arrose l'Empire du Milieu.
C'est moi qui suis sa petite
Son Anana, son Anana, son Anammite
Je suis vive, je suis charmante
Comme un p'tit z'oiseau qui chante
Il m'appelle sa p'tite bourgeoise
Sa Tonkiki, sa Tonkiki, sa Tonkinoise
D'autres lui font les doux yeux
Mais c'est moi qu'il aime le mieux."
La voix qui s'est glissée dans votre tête, ou tout au moins un certain rythme et une tonalité, était sans doute celle de Mistinguett ou plus probablement de Joséphine Baker, Raoul de Godesvarvelde ayant chanté la version masculine de la chanson...
"Pour qu'j'finisse mon service
Au Tonkin je suis parti
Ah! Quel beau pays mesdames !
C'est l'paradis des p'tites femmes
Elles sont belles et fidèles
Et j'suis dev'nu l'chéri
D'une p'tite femme du pays
Qui s'appelle Mélaoli.
(Refrain)
Je suis gobé d'une petite
C'est une Anna, c'est une Anna, une Annamite
Elle est vive elle est charmante
C'est comme un z'oiseau qui chante
Je l'appelle ma p'tite bourgeoise
Ma Tonkiki, ma Tonkiki, ma Tonkinoise
Y'en a d'autres qui m'font les doux yeux
Mais c'est elle que j'aime le mieux."
Tout une époque... Ce n'est que ce soir que je tombe sur la "cover" PATRIOTIQUE de cette chanson, ou "La petite tonkinoise", cède la place à...
«Quand ell' chante à sa manière
Taratata, taratata, taratatère
Ah que son refrain m'enchante
C'est comme un z-oiseau qui chante
Je l'appell' la Glorieuse
Ma p'tit' Mimi, ma p'tit' Mimi, ma mitrailleuse
Rosalie me fait les doux yeux
Mais c'est ell' que j'aim' le mieux.»
« Plein d'adresse
Je la graisse
Je l'astique et la polis
De sa culasse jolie
À sa p'tit' gueu-gueul' chérie
Puis habile
J'la défile
Et tendrement je luis dis
"Jusqu'au bout, restons unis
Pour le salut du pays.»
(Au refrain)
«Quand les Boches
Nous approchent
Nous commençons le concert
Après un bon démarrage
Nous précipitons le fauchage
Comm' des mouches
Je vous couche
Tous les soldats du kaiser
Le nez dans nos fils de fer
Ou les quatre fers en l'air.»
La boucle est bouclée. Je reviens à ma journée où attendant le séchage complet du nettoyage pour un nouveau passage de vernis sur mon pacifique vaisseau je suis parti me promener autour du village, une idée en tête. Et un projet d'installation sur ce territoire familier... Et ce n'est que ce soir que je viens de comprendre autrement une phrase griffonée il y a longtemps, mais à la source...
"Tant de libertés écrites, fils barbelés, sur le silence du paysage"
C'est la première fois que l'image de la guerre s'associe à cette phrase, là où jusqu'à maintenant je ne voyais que la notion de silence fauchée par l'ingérence volubile et criarde d'un bonheur individuel posé comme un cheveu dans la soupe au milieu de mon beau paysage slencieux...
Sauf que mon beau paysage silencieux, il ne l'est pas, ça suinte le barbelé jusque dans chaque germe de blé...
Sur c’te butt’là y’avait pas d’gigolettes Pas de marlous ni de beaux muscadins. Ah ! C’était loin du Moulin d’la Galette, Et de Panam’ qu’est le roi des pat’lins.
C’qu’elle en a bu du beau sang cette terre, Sang d’ouvriers et sang de paysans, Car les bandits qui sont cause des guerres
N’en meurent jamais, on n’tue qu’les innocents !
La Butt’ Rouge, c’est son nom, l’baptême s’fit un matin
Où tous ceux qui montaient roulaient dans le ravin.
Aujourd’hui y’a des vignes, il y pousse du raisin.
Qui boira ce vin là, boira l’sang des copains.
Sur c’te butt’là, on y r’fait des vendanges,
On y entend des cris et des chansons ;
Filles et gars doucement y échangent
Des mots d’amour qui donnent le frisson.
Peuvent-ils songer, dans leurs folles étreintes,
Qu’à cet endroit où s’échangent leurs baisers,
J’ai entendu la nuit monter des plaintes
Et j’y ai vu des gars au crâne brisé !
La Butt’ Rouge, c’est son nom, l’baptême s’fit un matin
Où tous ceux qui montaient roulaient dans le ravin.
Aujourd’hui y’a des vignes, il y pousse du raisin.
Mais moi j’y vois des croix portant l’nom des copains !"
Ca c'est du Monthéus. En tête à chaque fois, là-bas, sur place. A fromelles, en ce moment, ils déterrent les corps de 400 soldats morts durant la première guerre mondiale. Et à l'entrée du Musée de Fromelles, à côté des horaires d'ouvertures, une affiche pour s'engager dans la légion étrangère... La honte.
La propriétaire du champ, une agricultrice retraitée, a cédé son terrain, offert sa terre pour qu'une sépulture leur soit donnée. Elle souhaite "qu'il y ait de belles petites roses et que ce soit un beau parc, accessible à tout le monde".
Elle raconte: "Ca nous fait mal au coeur d'avoir travaillé sur des corps. On se disait toujours qu'il y avait quelquechose de spécial à cet endroit..."
"On y mettait des navets. Les feuilles étaient arc-en-ciel, avec parfois des racines d'un metre de long, certains navets avaient la forme d'un coeur. On ne les traitaient jamais, il n'y avait aucun ver et ils étaient d'un blanc superbe."
Entre le 19 et 20 juillet 1916, 2 000 Australiens sont morts là, 3 500 ont été blessés, 1500 brittaniques y ont été tués ou blessés.
Dépèche AFP du 24 avril 2009: "Le ministre australien des anciens combattants s'est rendu mercredi dans le nord de la France. A Fromelles, 10 km de Lille et 20 000 km de Sydney, le petit carré d'un vert tendre, enclos par une fine chaîne blanche, enferme un pan de la mémoire australienne. Là, en lisière d'un bois, quatre cents soldats alliés gisent pêle-mêle sous deux mètres de la lourde terre du Nord. Beaucoup avaient traversé la Terre entière pour se faire faucher à la mitrailleuse au sortir d'une tranchée, les 19 et 20 juillet 1916. Les Allemands avaient jeté les corps dans huit fosses communes. La dernière pelletée jetée, ils avaient méticuleusement consigné les faits dans un rapport, à son tour vite enfoui."
Des histoires de rapports, de traces, de frontières, là j'empiète sur un autre travail que je devrais taire ici... Mais lié à ma vision, je crois, du territoire et du paysage. En rapport. Etroit. Intime. Ma notion même de paysage, avec son histoire cachée sous la platitude de l'horizon, d'où rien ne dépasse de la ligne de pied sauf quelques croix posées, alignées, pleines et déliées, ma syntaxe se frotte au rythme des vers, les enjambements cherchent l'image d'un jambage inférieur impossible sauf en creusant tranché...
Je suis revenu à mon canoë, en traversant d'autres territoires, le jardin au cordeau de ma grand-mère, j'y ai fait un bouquet de gypsophiles et chardons bleus.
Du niveau zéro de l'écriture je n'ai rien inventé...
J'ai verni la quille de l'Hirondelle. La plaque de cuivre oxydée vient d'éclore son histoire:
Georges Jean Seyler, charpentier, s'installe vers 1860 à Courbevoie, quai National, à l'angle de la rue Adelaïde près du pont. Constructeur d'embarcations de plaisance, il fait du gardiennage à sec et sur l'eau ainsi que de la location. Il possède également un débit de boisson tenu par son épouse et loue des chambres meublées. Il reçoit récompenses et médailles lors de l'exposition de 1889 ainsi que le grand prix de Paris en 1910.
Il a sept enfants: Charles (mort très jeune), Marie qui, demeurée célibataire, s'occupe des affaires de la maison, puis cinq garçons: Georges, Ernest (né en 1866), Eugène, Émile et Henri qui suivront ses traces.
Amateurs de voile, ils sont membres du cercle de voile d'Asnières où ils participent, notamment sur un bateau de type "océan", à de nombreuses régates entre 1885 et 1897. Leurs voiliers ont pour nom: Colibri, Lucifer, Rose.
Vers 1895, le canotage en Basse-Seine ne semble plus offrir de débouchés pour de nouveaux constructeurs. Aussi ses trois fils aînés, Georges, Ernest et Eugène, décident chacun leur tour de s'implanter sur la Marne entre Le Perreux et Joinville où l'activité se développe.
Georges Seyler père, décède vers 1915-1920 (?) Son épouse continuera la construction avec l'aide de ses deux plus jeunes fils, Émile et Henri demeurés à Courbevoie, signant les bateaux du nom de "Veuve Seyler".
L'ainé des fils, Georges, s'installe en 1897 au Perreux sur MArne (1 quai de l'Artois), au pied du viaduc de Nogent. Il signe ses bateaux "Georges Seyler Aîné". Ambitieux et énergique, son entreprise est florissante jusque vers 1960. Il construit Yoles, skiffs, canoës français et canadiens, voiliers, canots à moteurs, hors bord et runabout et expose régulièrement au salon nautique de Paris. A noter qu'en 1904, la première course de canot automobile organisée par l'international Sporting Club de Monaco fut remportée sur une coque Seyler du nom du "Trèfle à quatre" (moteur Richard Brasier). Dans les années 1925-1930, il possède un magasin d'exposition à Nice. Sur la Marne, vers 1920, il accoste trois confortables bateaux automobiles de 10-12 m avec lesquels il offre aux "touristes" des circuits de promenades autour des îles entre Le Perreux et Joinville.
Il épouse Joséphine qui lui donne une fille, Georgette, née en 1898, qui demeura célibataire.
A la mort de son père, vers 1940, Georgette continue les affaires avec l'aide de son chef d'atelier Monsieur Devillié. Dans les années 1960, les affaires ne sont plus aussi bonnes, leurs bateaux tout bois ne résistent pas à la concurrence des coques plastiques. En 1965, Georgette décède et l'entreprise disparaît.
L'hirondelle est bordée en Pin d'Oregon, avec une latte décorative en Acajou et une latte de carreau (la plus haute et large) en Red Cedar, membrures et pontets en Hêtre, le reste en Frêne, avec l'ébauche des pontets et hiloires, en Pin cintré à la vapeur.
mardi 7 juillet 2009
Point (mobile)
La pluie tapote, grosses gouttes timides, sur les tuiles du toit, grenier de la maison, ici à wazemmes. Neil Young improvise, sur un cd acheté, seconde main, il improvise sur les images de Dead Man... images évoquées dans ma tête, ici, grenier... j'envisage de l'embarquer, et l'écouter durant la descente, en canoë, voir ma réalité augmentée. D'images de films. De mots lus. William Blake & cie...
Hier j'ai mis une première couche de vernis, "Le Tonkinois", sur le canoë. Poncer, grain 280, léger. Nettoyer. Les fentes entres les lamelles disjointes par le temps absordent le liquide épais. La chaleur, en le séchant, comblera le vide. Pores génants. Agit-on comme ça, pour avancer? Glisser sur la surface des choses. Se couper.
"When I speak, I offend
Then I'm silent and passive and lose every friend"
Johnny Depp parle dans ma tête, de sa bouche sortent les mots de Blake, Wiliam Blake.
Une barque glisse sur la surface lisse de mon esprit. Elle est multiple. Sépia, elle porte William Blake ( l'homonyme du poéte anglais joué par Johnny Depp dans Dead Man). Colorée, à l'huile, elle porte The Lady of Shallot (poème de Lord Alfred Tennyson, repris sur des tableaux préraphaélites du XIX... poème que je vais embarquer, sur papier, pour l'apprendre, par coeur durant la descente, et brûler le papier une fois appris... mais je n'ai que peu de mémoire pour les longues tirades... "on each side the river lie, long fields of barley and of rye, that meet the sky and clothe the wold..." "I'm half sick of shadows" saith the Lady of Shallot... voilà les bribes que je porte en moi, celles accessibles et ordonnées, en mots posés, évocables...) La troisième barque est colorée elle aussi, mais potographique, porte des lettres, rouges, dans les douves du chateau d'Escquelbecq, cherchant à poser dans la vase ( mélange batard d'eau et de terre en suspension, ni solide comme la terre ferme, ni vraiment liquide comme l'eau... où je cherchais à ancrer mes lettres (comme dans ce texte de Thoreau qu'il faudrait que je retrouve... sur l'écriture du paysage...). La vase, seule, n'est pas porteuse, impossible ce jour-là de planter mes lettres comme dans la terre. Rest in peace. J'ai du refaire un ponton sous marin de palettes (peintre paysager), et le mot posé, mon pied rencontra un tesson oublié, dans la vase. Suttures. Avec le paysage. "Troncs sur l'horizon, couture du paysage" (Instantanés d'encre, 2002).
La pagaie vient d'un magasin d'accastillage reperé sur les bas-côté d'une route vers Pornic. J'ai noté l'origine des pagaies par une photo. Un arbre mort, sur la pointe Saint Gildas. Un soir. Mort mais parlant encore du vent, le courbant. Et moi à côté, passant. L'arbre ne s'en souvient plus, m'a-t-il remarqué? L'appareil m'a attrapé. Avec retardateur. 12 secondes. Programmé. Mais hésitant sur la mise au point. Mobile. Est-ce le sujet tenant pagaie qui est le sujet, ou l'arbre, à moins que ce ne soit le brin d'herbe au premier plan qui importe? Et qui importe quoi?
En moi.
Moi regardant... ça m'importe quoi?
La Pagaie est remontée avec moi, sur la rivière de goudron charriant les embarcations aux effluves de matières fossiles, végétaux jadis, vivants, il y a longtemps. On brûle le temps passé, les millions d'années coincée dans un baril, au coeur d'un bout de charbon...
La pagaie va pénétrer, entrer le liquide courant de la Scarpe, et s'appuyer sur les flots où personne ne marche sans sombrer. S'appuyer sur du mouvant. Sur l'autre coté, l'en dessous. Pour pousser le vaisseau, là-haut, à la surface de flots, celle que le vent ride en soufflant.
A mesure que le voyage avance, je me coupe des mots écrits. Il est des déplacements que l'on fait dans le langage. Porté par les mots. Les premiers vrais premiers pas dans le monde (mon corps se mouvant par la force des mots qu'il a produit) remontent à peut-être une vingtaine d'années. Une agrafeuse, une photocopieuse, un papier violet d'un roulet de pièces pour banquier en couverture: "Phrases Baumes Balles Boulets". Une dizaine d'aphorismes sur le silence... Une rencontre avec Boris Novak, poéte slovène qui, dans son coin, faisait de même. Un contact avec Ales Steger, "envoie lui ce que tu fais, on ne sait jamais..." Une invitation reçue, pour un festival de poésie européenne à la frontière slovène, dans les vignobles de Médana. Nourri, logé, blanchi au rouge pour avoir écrit une dizaine d'aphorismes. Le pouvoir de l'écrit. J'étais parti de Lille, avec sur mon panneau en carton, une dizaine de noms, de villes, mon trajet jusque Ljublana. Ce sont mes mots qui m'avaient invité là-bas, ce sont dautres mots au marqueur sur un carton qui m'ont amené là-bas. Quelqu'un se reconnaissait dans ce mot inscrit, cette ville où il allait, et s'arrêtait, m'emportait jusqu'à cette ville...
Je me souviens d'un aphorisme de Boris Novak:
"Le poéte est le jardinier du silence"
Et ma réponse...
Comment dans ce jardin du silence
ne pas agir autrement
qu'en laboureur
bruyant
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