mardi 15 décembre 2009
Bel Canto
Un incontournable... (pas pour tout le monde, je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre) nous on avait ça, gotainer à la voix, et la france de la mère Denis derrière, "c'est bien vrai ça!" et oui c'était bien vrai tout ça, cette france agricole, où ça fleure bon le terroir dans la télé animée par des desseins de propagande économique, de plus value d'image à un fromage vraiment pas bon ou pas vraiment bon, au choix.
Mais quand on le mangeait, on avait tous en nous cette petite fille qui sourit en machant sa pâte molle.
Mais à la télé, son fromage, elle le donnait, c'était ça aussi qui était bien. Elle baguenaudait dans les paturages et donnait son fromage. Joie. Bonheur. Elle était belle, svelte, un jean, une chemise à carreaux, un panier en osier, elle se promenait et offrait à qui le demandait une part de ce fromage qui portait son image. Un peu d'elle.
Et en cette période d'incertitude sur l'identité française, et son avenir qui se joue. Je parle des jours comptés de Johnny Hallyday. (message en cours de rédaction je cherche un lien, peut-être rien... vers San Francisco!)
Le voilà... (mais il s'est quand même passé trois semaines depuis la dernière phrase, trois semaines dans cette ligne passée, est-ce que cela fait de cette ligne blanche une ligne plus intense que les autres?)
Voilà donc le lien vers San Francisco...
Et le lien se faisant, en moi, avec Belle des Champs est le suivant, non pas que Johnny soit le Bel du Chant, mais sur la notion de don. De don de fromage. De don de fleurs. Et cette phrase magnifique...
"Tous les hippies de San Francisco, vous donnerons tout ce qu'ils ont pour rien!"
Le don. Le don de fromage. Le don de fleurs coupées. La télé. Le pays où les gens parlent en silence, derrière des hauts parleurs donnant de la voix...
bougeant les lèvres pour la synchronicité tentée...
La chanson vient des états unis, Scott Mac Kenzie, adaptée par Johnny, la chantant et donnant des fleurs durant le premier couplet comme dans cette vidéo live en 67, trouvable sur le web, où il reproduit le même geste. Un invariable. Un repère. Une ritournelle. Qui s'incruste. La chanson nous est présentée ici par Michel Drucker, jeune, il a vieilli avec nous, qu'on le veuille ou non, comme Johnny... et ils restent là, "accrochés à ma mémoire, on y vient à pied, on ne frappe pas, ceux qui vivent là ont jeté la clé..."
Ceux qui vivent là, ont jeté la clé. Ma mémoire est une maison bleue. Une partie de moi, vient de là, de mon temps vécu.
A un endroit donné.
Dans une culture donnée.
Reçue. Recherchée.
Une culture qui dépasse le territoire pour m'irriguer du monde.
D'un certain monde qui se diffuse.
Et qui me donne des outils pour, à mon tour, saisir le réel.
Et faire un petit livre que voici.
Un prototype. La version finale sera sans doute sérigraphiée. J'ai un carnet complet de recherches dans l'atelier à écouter France Musique,tard la nuit, à bricoler, chercher des couleurs, précises, une solution pour agir, un mode opératoire qui lui aussi soit cohérent... Le tout pour un objet minimaliste réalisé avec une seule feuille, longue de papier plié, deux couleurs...
lundi 14 décembre 2009
Désinstallation & nouveau départ...
Le projet d'exposition était aussi celui-là, faire que toute la matière produite tienne dans une valise.
Un travail sur le déploiement, comme la carte dépliée: le contenu de la valise une fois ouverte vient occuper un espace d'exposition, espace qui lui sera alloué pendant un temps puis retournera dans la valise.
La valise dans le canoë.
Le canoë sur l'eau.
Le dé-vernissage se fera le 5 janvier avec la présentation du livre. Dans la foulée, le 5 ou le 7 c'est à confirmer, une projection se fera à Bruille Saint Amand, de vieux films en Super8 retrouvés à la Braderie de Lille mais montrant un défilé dans les rues de Bruille. Et ce qu'il y a autour...
La carte postale à coté du sous-bock Glen Baxter et une carte postale d'Irlande datant des années 60 et réalisée par le studio John Hinde. Il savait mettre en avant la nature, aussi bien que les endroits peuplés, se promenait toujours avec une scie dans sa voiture. Si un bloc de ciment, un détritus inamovible le gênait, il sciait une branche de rhododendron fleuri dans un jardin voisin et hop la nuisance disparaissait...
lundi 16 novembre 2009
Settlement ("installation" en anglais)
Aborder le lieu comme dernier endroit, comme l'installation finale de ce périple, de cette errance. Comment l'occuper, comment parler de ce temps passé sur le territoire? Comment dire ce qui, matérialisé, emplirait l'espace de la pièce? Comment dire justement la réalité rencontrée? Sans l'aplatir à deux trois images? Comment parler de la démarche? De la recherche, du périple, de ce que, moi, croisant ces chemins, j'ai vu? Comment poser ma vision? Ces images que je garde, toutes celles que déjà j'ai oubliées, perdues dans un vide intérieur, comme un courant d'air qui tourne autour de l'édifice, un nuage d'images non retenues qui pourtant forme le territoire... Comment le réduire à deux trois images qui resteront comme l'image du territoire, vision réduite du tout?
Je n'ai pu réussir à cela. Un diaporama tente cette approche, en posant, bout à bout, les images retenues par l'appareil, il est visible dans ce blog, posté en mars 2008. C'est l'approche simple de partage, proche d'une consommation habituelle d'image, de la narration cinématographique. J'ai préféré à cela l'oeuvre manquante.
Cette exposition est un pis-aller, retour sur un temps passé, dans un lieu, dont la conclusion fut actée en juillet:
"La traversée du territoire en canoë: entrée par sa frontière au sud-ouest, vers les marais de Vred, avancée lente sur un vielle rivière canalisée, abandonnée, La Scarpe, jusqu'à sa confluence aux confins du pays, là où elle se jette dans le monstre, l'Escaut qui l'engloutit pour passer la frontière, au grand nord-est du territoire. A Mortagne du Nord. Ville frontière.
Là est l'oeuvre, la vraie, cette performance, cette traversée vue par les chalands présents aux abords de la scarpe, témoins du passage, de ce bateau, en bois, portant voile, anachronique, dérivant doucement sur le flot presque arrêté de lentilles vertes. Là est l'oeuvre. La vraie. Une performance sans trace. Le reste aurait du être silence.
Mais il est là. Posé. Dernier éclat avant disparition.
Totale. Dans l'horizon du paysage."
L'installation a débuté par là.
Une paire de bottes, posées, un réchaud, la boite d'allumettes "golondria" et la tente. Les éléments étaient réunis dans ces objets: l'eau, le feu, l'air fendu par l'hirondelle du printemps sur l'azur éthéré immaculé et la terre, qui porte la tente.
L'attente aussi.
Une idée, planante, de survie: les bottes protégeant de l'eau, le feu éloignant les animaux sauvages, le toit, la pluie...
Et l'attente d'un territoire à découvrir: la carte portée à l'intérieur de la tente, une oeuvre graphique sur papier, une image portant les informations d'un paysage à sillonner. Bleu pour l'eau. Vert, la forêt. Orange, la frontière, celle que reprend le cordon traînant du gilet accroché dans la tente... gilet peu réglementaire, daté, censé me protéger d'une immersion trop brutale dans un des éléments du territoire: l'eau.
Immersion. Accroche.
Une épingle pose un plan vierge.
"A writing sheet". Murale. Venant du Chalet Alpin. Cette carte recueillera les derniers moments, les derniers instants liés à l'installation, dans ce lieu, et reliant l'obtus à l'obvie, le caché au vu. A d'infimes détails, difficilement trouvables.
Cette épingle est liée à une chose vue, un souvenir durant les Turbulentes de cette année, dans un jardin, près de l'eau aussi. Une corde à linge, tendue, traversait le jardin selon une oblique non maîtrisée, sauvage. Quelqu'un d'un peu rigide, aurait planté un poteau pour avoir dans son jardin cette corde à linge parfaitement dans l'alignement d'un petit chemin.
Là, non.
La corde partait d'un arbre qui était là, avant, jusqu'à un autre arbre lui aussi antérieur à l'installation du colon et de son cordon. La personne s'était adaptée à l'environnement. Et non l'inverse.
Ensuite j'ai posé au mur, un tableau, symptomatique pour moi de cette résidence sur le territoire et de la schizé produite.
Ce tableau a été réalisé ici, à wazemmes, hors territoire, dans l'atelier. Mais la ligne jaune provient d'un paysage vu sur la petite route qui mène à Douchy les Mines, quand on veut éviter de faire le tour par l'autoroute et Valenciennes. Ce paysage, non photographié (j'avais noté d'y retourner pour le faire, comme pour le fil à linge cité ci-dessus), est un champ de colza, aux abords de la route, et ce jour-là porteur d'une lumière qui me marqua. Il fait pour moi partie du tableau. Il était, en tout cas, dans mon esprit quand cette ligne, plusieurs fois je l'ai tracée, ici dans l'atelier. Une citation.
La ligne jaune=champ de colza sur la route de Douchy=champ de colza landa pour le spectateur.
Un générique. Pas remboursé par l'auteur du tableau.
Ensuite vient le lieu. Le lieu même d'installation. Qui porte ses propres idées... le carrelage et son quadrillage sont sans doute à l'origine de cette action d'appropriation de l'espace.
L'espace ainsi fut quadrillé. Il l'était déjà. Mais sans ordonnées ni abscisses. Que j'utilise comme références pour noter les endroits liés entre eux. Le B-8 est lié au M-6. AU B-8, la boite d'allumettes "Golondria", via l'espagnol, ou simplement l'image portée par la boite d'allumettes, au nom du canoé "L'hirondelle" situé en M-6.
Au final, un vieux Jules Verne est placé sur une table en résine blanche,(coque de bateau), à l'entrée, il parle d'un pays, d'une ville qui n'existe pas sur les cartes, sur les bords de l'escaut... Ce livre, "Le Docteur Ox" est placé exactement là ou il doit être. "O" en ordonnée, abscisse "10", en chiffre romain: "OX"
L'écriture fut. Lente. Elevée.
Le charbon choisi, est fait de charbon de saule. Saule pleureur. J'écris les mots avec un reste de saule. Au dessus du canoë. Les mots pleurent de sens vers l'embarcation. Des lettres noires, au charbon, tracées au fusain de saule, dont une partie tombe en poussières au sol... en tête, une chanson, Helen Merrill, une voix proche d'un simple souffle, chantant "willow weep for me"...
La phrase, lettre par lettre, s'écrit. S'il en manque une. Une lettre. Elle est bancale.
Chaque lettre a son rôle à jouer. Le tout parle.
Cette phrase-là est pour moi, complète, close. Une unité. Avec le bateau.
Les deux parlent d'une chose passée, sans la noyer des détails. D'une chose passée qui n'a pas fait de bruit. D'une eau coulée, sous un pont. De mon passage.
Et de l'absence de trace. Dans ce sillon ouvert puis refermé. Une vie.
Et en sortant ce soir-là, une dernière photo m'arrête, prise comme pour constater que, à oeil averti, le réel s'ouvre d'une poésie. La photo est épinglée et je note le sillon bleu du néon et la queue du cheval enseigne comme imbriqués dans la phrase écrite.
Dans ce genre d'instant une épiphanie s'ouvre, l'impression d'être dans le sens du monde, de mon monde sans doute.
Partagé ici.
samedi 31 octobre 2009
Reflet d'états, pièce ou trace?
Le lieu. L'importance du lieu. Le lieu d'exposition. Et ce qu'il en advient des objets posés sur la scène du sens...
Au vernissage, un journaliste voulait aborder l'exposition, le plus simplement possible, dans son article, revenant souvent à cette question "oui, mais pour le néophyte...?"
Etant infiniment, moi-même, très à cheval sur l'importance du "spectre", je comprends ce genre de question: la nécessité d'avoir un spectre large est fondateur pour moi dans ce genre de travail, et surtout dans ce médium: l'exposition.
Faire apparaître l'esprit et le faire voyager sur les remparts de la personne. Là est le spectre...
Le fantôme, la trace résiduelle dans le présent d'une présence passée, d'une traversée. La mienne.
Le Spectre. Un Personnage. Non carné. Constructible. Comme dans un roman. Un être construit par éléments apposés. Une partie valant pour le tout. Et vice versa. Synecdoque et compagnie. La réalité elle, est variable, multiple. Elle échappe à sa réduction, l'évolution que va prendre ce texte en est la preuve, un flot de mots, et son écoulement va se perdre dans un babillement de références, montagnes formant vallée. Nous pensions être en littérature et nous voilà en peinture. Le Spectre. Palette large de tonalités. Suite continue de couleurs dans la décomposition de la lumière blanche. Et nous revoici en littérature...
Lumière blanche: "Naked!" ( Hamlet dit, de retour à Elseneur): il ne joue plus (act) mais continue de jouer (play).
Décomposition. La baudelairienne charogne. C'est dans la décomposition de la lumière blanche que se trouve la naissance du spectre, des couleurs. Naissance d'une couleur, d'un drapeau, d'un identité, construite, ou à construire. À déconstruire, sans doute également. L'homme devient vitrail, d'une lumière blanche infusée il chatoie selon ses carreaux colorés et le motif plombé.
Le vitrail cassé, l'église est aux quatre vents. La lumière est la même que dehors. Blanche. Et dans l'église, aucune chose n'est réchauffée par la couleur d'un rayon chargé. Tout n'est que jeu d'ombre et de lumière. Blanche.
Blanche. Page. Mots.
Le Spectre est nécessaire à toute installation. C'est lui qui ouvre, accroche le regard et l'emmène. Voyage. "Enrapture", les anglais disent, "Enlèvement", "Se laisser emporter"...
Le travail, ici, se place sur plusieurs niveaux: le bureau, sa chaise, les cahiers, les bottes, les crayons, la tente, le canoë... tout cela campe le personnage créé, littéraire, écrivain occasionnellement, appelons-le, mettons, Dimitri Vazemsky. Le personnage, spectre, est l'accroche, la partie la plus visible du spectre, par tous. Un morceau carné.
Là, dans la partie la plus préhensile du spectre, la concierge n'est pas morte, ça raconte encore des histoires. N'est-ce pas? La confession étrangle, la racontouse quoi.
C'est par là que l'on rentre dans l'immeuble, dans l'espèce d'espace créé. Le récit débute ici. L'installation. Un bateau. Un texte. Une présence. La présente absence de l'auteur. Et la narration de l'acte.
'The deed is done!'
Le temps de cette narration se joue du linéaire: un début, une fin, on se laisse porter par une histoire, une succession d'images arrêtées, d'écluses à passer comme scandant le flux continu, le déplacement, l'écoulement, le temps, la rivière...
Dans ce cas précis, un canal. La Scarpe. Canalisée. De main d'homme travaillée. Comme tout roman.
On ne devrait jamais parler "d'écriture fleuve" mais "d'écriture canal".
Le fleuve étant naturel.
On en revient au paysage.
A sa place. A l'espace.
Naturel. Ou pas.
J'ai cherché tout au long de cette résidence, le "Wild" comme je l'appelle... difficilement traduisible, un sentiment sans doute... de solitude au milieu d'un environnement naturel... Mais qu'est ce qu'un "environnement naturel"? L'être humain, ipso facto, fait partie de la nature, étant lui-même un élément de celle-ci (souvenez-vous des premiers épisodes), son habitat même fait partie de cet "environnement naturel"... une "nature" plus ou moins teinté de "culture", même si, à la base, un abri pour se planquer de la pluie c'est naturel. Le reste est culturel. Et sans doute superflu, si ce n'est pour dire, exposer, son appartenance à une culture... La déco, ikéa, le nain de jardin et ses suppôts, flamants roses et vierges à la cruche en plastique blanc moulés.
Ce "Wild", pour moi, ressemble à un lieu de dépossession de cette culture, voire de toute culture, pour tenter de retrouver un endroit vierge de toute construction ou organisation culturelle. Une quête de l'essence brute et d'un rapport direct à l'espace. Mais également au temps.
Le regard et l'esprit se perdent dans une contemplation du paysage qui n'est pas arrêtée par une "marque culturelle", ou un "marqueur temporel" qui va venir briser l'errance, la neutralité contemplative comme je l'appelle, quand j'en discute avec Keats. Briser l'errance et imposer un rythme.
Autour de la Scarpe, l'omnipotence de l'homme n'est plus, les lentilles d'eau ont envahi les écluses, fermées, coincées, des cheminées d'usines oubliées se perdent sous la végétation, les pontons de bois vermoulus construits ornent des abords désormais inaccessibles, les plaques (d'humaines tectoniques?) qui canalisaient la voie d'eau se sont chevauchées, cassées, le canal retrouve lentement son statut de rivière. Et en lisière du lit, parlent encore les "bras morts".
"Bras morts"; on est dans une certaine poésie, "native". Non pas dans les images éculées véhiculées; mais dans un langage qui cherche à saisir, le plus justement possible, un fond non encore attrapé. Une lumière blanche non encore filtrée. Une image juste, simple et simplement juste.
Le Niveau Zéro de l'Ecriture ( projet d'écriture sur paysage entamé avec les lettres rouges) s'approche de ce geste. Imaginé à la lisère des vagues, il cherche à placer une phrase entre la terre ferme (terra cognita des savoirs acquis, terre connue, ferme et stable) et la houle mouvante, informée, de quoi on ne le sait mais le pressent, au milieu de cette bergère d'azur infini... aux reflets changeant, dansant, le long des golfes clairs, voyez près des étangs ses grands roseaux mouillés, ses oiseaux blancs et ces maisons rouillées...
Passage obligé. Regardez l'enregistrement, au milieu de la chansonnette, n'est-ce pas, Trenet fait une remarque sur "la mer", (les guillemets prouvent bien que nous parlons d'une chanson et non pas du réel). Il dit: "Un succès "américain"". La France en ce temps était "swing". Et cette question de formes liées à des territorialités, est intéressante. Toujours est-il qu'il n'est, à mon avis, plus possible de chanter "La mer" comme cela. De l'écrire comme cela. De nos jours. Et pourtant c'est comme ça que "la mer" fut construite dans biens des esprits...
Nous construisons le réel grâce aux images reçues, vues ou via le langage, la peinture, la vidéo, les cartes postales... ce sont des informations, avec lesquelles nous construisons une vision du monde, et puis, bien sûr, ma brave dame, y'a la réalité, mais la réalité est loin, très loin, avec son essence, celle qui touche le corps, mais sans vraiment de forme, vague, ailleurs que ces informations posées, parvenues au cerveau, assemblant les choses avec une étonnante facilité et une certaine beauté... et des fois, des fois, les deux coïncident, se rencontrent, comme du temps où je vivais, ( non pas dans le troisième dessous, ivrogne, immonde, infame...) mais dans un cottage aux portes du connemara, il m'arrivait, au sommet des montagnes, de voir s'étaler sous mes pieds ces terres brûlées au vent, des landes de pierres, autour du lac...
Derrière les mots, grisés, se cache un lien. Un emballage. Un arrangement. Des arrangements autour des paroles, des publicités, des couleurs, d'autres rengaines, tout ça est une voix, un ton, une façon de penser, une façon de se présenter... une époque aussi...
Par contre pour changer de sujet et parler de la forme, ses mots liés, à la dérobée, en grisé, donnent un mécanisme propre à l'écriture en réseau: avant, la référence était soit commune avec le lecteur, soit ne l'était pas... "comprend qui peut" comme dirait bobby lapointe. Désormais, ici, l'écriture des liens peut être tissée, le texte dérape vers un ailleurs, accessible, ouvrable, découvrable par le lecteur: l'explicitation du caché, du lien, là, juste derrière le texte grisé... un clic et vous y êtes: et la référence apparaît.
La référence plus une ou deux pubs en sus, une pour le club de rencontre dans le coin à droite, mettant à mal la solitude du lecteur, et puis on vous fait patienter, le temps du chargement, avec un jingle vantant les mérites d'une marque trop cool...
L'idéal est de reprendre à soi, importer le lien, ici, en un petit écran direct, et bidouiller le langage codé pour l'épurer de toutes scories que l'on vous file avec l'extrait importé, scorie en lui-même mais, vu d'ici, il reste ça:
J'ai du lutter, longtemps, je lutte encore pour ne pas avoir Sardou en tête, à la simple évocation du Connemara. Il fonctionne en moi comme un intrus, émergeant, que l'on voudrait aisément voir mort, poignardé dans sa baignoire...
"au connemara on sait tout le prix du silence!"
Impossible de prononcer "terre brûlée, au vent, des landes de pierres..." sans avoir la musique et la bobine à Sardou, fils de Jackie.
Je continue, dans la série "comment on se construit", j'ai grandi avec ça, entre autre... une partie pour le tout. Mais celle-là me touche. On connaît peu l'homme derrière les paillettes. Le personnage est complexe, tragique, coincé dans une représentation de soi qui sans doute est loin, tiraillé entre plusieurs cultures... sa mère jouait dans l'orchestre de Pablo Casals, son père était cinéaste, là on le voit chanter une reprise de Bob Marley, paroles retravaillées, adaptées, mais devant se confronter à l'antithèse de l'endroit même où il les expose: "Mon île est triste c'est une plateforme d'acier... " L'homme est en costume, noeud papillon, au bord d'une piscine... "la mer d'iroise?"
Comme chez Sardou, où le "prix du silence" jure devant le tumulte, le bruit et la fureur de cet orchestre clinquant, froid, avec son solo de clavier électrique tentant d'imiter un violon modulant ou un tin-whistle, on est dans une rupture complète du lien entre la parole et le texte... voyez par vous-même: un ouvrier sur un derrick pétrolier, chanté par un costard tiré à 4 épingles devant une piscine grand luxe, carte postale...
(je peine à conserver des liens vidéos durables sur ce post... la machine elle-même, blogger/google, me l'empèche,un lien vers la vidéo, sur youtube.be (belge) ne peut être intégré, rendant sa diffusion limitée, cet article perdant l'accés des liens vidéos selon le pays de connexion où vous êtes...)
Les livres présents dans le lieu d'exposition posent la même question, de la réalité augmentée, (le livre étant le premier objet de réalité augmentée, une vieillerie contrairement à ce que l'on tente de nous faire croire). "En canoé sur les rivières du nord" de Stevenson parle de ça, d'un rapport à la nature que l'on veut brut, vierge, mais d'un rapport et d'une appréhension qui se fait avec les outils laissés... Trenet, Sardou, Joe Dassin... et derrière ces trois là, le Spectre (007) de l'Amérique... "La mer", un tube dit "américain"... Joe dassin... "L'amérique, l'amérique, je veux l'avoir et je l'aurais..." et Sardou... avec, encore une fois, une archive ci-dessous: un monument de la Culture Française Môsieur, et qui ne pouvait exister qu'ici, et qui en est le plus "pur" produit... en lien avec notre sujet, avec, en plus, une belle leçon de chorégraphie kinétique, observez les gestes, sont-ils naturels?
Moi, dans mon canoë, j'avais en tête, souvent, le générique de Tom Sawyer... "C'est l'amérique, le symbole de la liberté..."
Je vous le remets, ici, sur la table...
Ah! si les Ricains n'étaient pas là, les Japonais n'en auraient pas fait des dessins animés...
Et puis il y a ça...
Là, il y a tout: des vrais américains, un "native" ("He who talks loud and say nothing" mais que l'on appelle "Personne"). D'autres, porteurs d'autres cultures, comme William Blake/Johnny Depp, portant involontairement le nom d'un poète, anglais, homonyme mais inconnu, contrairement à l'indien qui lui connait par coeur toute la poésie de William Blake. Le troisième homme est un vendeur, religieux... Puis il y a le canoé. "We need a canoe". Le vaisseau, cette forme qui permet de flotter à la surface. Même mort. Presque mort. La valeur d'un personnage, de son image. En train de mourrir, lui qui n'a jamais "vécu", comme la Dame de Shallot dérivant, morte ou pas? Mais dont la barque st gravée à son nom. Nom qui permet la diffusion, la reconnaissance, portrait robot, l'image permet de véhiculer des familiarités. Reconnaitre. Passer de nature à culture. Mort ou vif. Récompense de la reconnaissance. Sur le chemin. Nature, Culture. L'indien (nature) cite du William Blake (culture) en réponse à l'évangile cité par le marchand qui a installé sa tente dans le Wild West pour y vendre ses produits. Et puis il y a la force de la plume, de l'écriture, plantée vive, qui fige la main. La bouche de feu, qui parle lorsqu'il n'y a plus rien à dire, que d'occire...
Au vernissage, un journaliste voulait aborder l'exposition, le plus simplement possible, dans son article, revenant souvent à cette question "oui, mais pour le néophyte...?"
Etant infiniment, moi-même, très à cheval sur l'importance du "spectre", je comprends ce genre de question: la nécessité d'avoir un spectre large est fondateur pour moi dans ce genre de travail, et surtout dans ce médium: l'exposition.
Faire apparaître l'esprit et le faire voyager sur les remparts de la personne. Là est le spectre...
Le fantôme, la trace résiduelle dans le présent d'une présence passée, d'une traversée. La mienne.
Le Spectre. Un Personnage. Non carné. Constructible. Comme dans un roman. Un être construit par éléments apposés. Une partie valant pour le tout. Et vice versa. Synecdoque et compagnie. La réalité elle, est variable, multiple. Elle échappe à sa réduction, l'évolution que va prendre ce texte en est la preuve, un flot de mots, et son écoulement va se perdre dans un babillement de références, montagnes formant vallée. Nous pensions être en littérature et nous voilà en peinture. Le Spectre. Palette large de tonalités. Suite continue de couleurs dans la décomposition de la lumière blanche. Et nous revoici en littérature...
Lumière blanche: "Naked!" ( Hamlet dit, de retour à Elseneur): il ne joue plus (act) mais continue de jouer (play).
Décomposition. La baudelairienne charogne. C'est dans la décomposition de la lumière blanche que se trouve la naissance du spectre, des couleurs. Naissance d'une couleur, d'un drapeau, d'un identité, construite, ou à construire. À déconstruire, sans doute également. L'homme devient vitrail, d'une lumière blanche infusée il chatoie selon ses carreaux colorés et le motif plombé.
Le vitrail cassé, l'église est aux quatre vents. La lumière est la même que dehors. Blanche. Et dans l'église, aucune chose n'est réchauffée par la couleur d'un rayon chargé. Tout n'est que jeu d'ombre et de lumière. Blanche.
Blanche. Page. Mots.
Le Spectre est nécessaire à toute installation. C'est lui qui ouvre, accroche le regard et l'emmène. Voyage. "Enrapture", les anglais disent, "Enlèvement", "Se laisser emporter"...
Le travail, ici, se place sur plusieurs niveaux: le bureau, sa chaise, les cahiers, les bottes, les crayons, la tente, le canoë... tout cela campe le personnage créé, littéraire, écrivain occasionnellement, appelons-le, mettons, Dimitri Vazemsky. Le personnage, spectre, est l'accroche, la partie la plus visible du spectre, par tous. Un morceau carné.
Là, dans la partie la plus préhensile du spectre, la concierge n'est pas morte, ça raconte encore des histoires. N'est-ce pas? La confession étrangle, la racontouse quoi.
C'est par là que l'on rentre dans l'immeuble, dans l'espèce d'espace créé. Le récit débute ici. L'installation. Un bateau. Un texte. Une présence. La présente absence de l'auteur. Et la narration de l'acte.
'The deed is done!'
Le temps de cette narration se joue du linéaire: un début, une fin, on se laisse porter par une histoire, une succession d'images arrêtées, d'écluses à passer comme scandant le flux continu, le déplacement, l'écoulement, le temps, la rivière...
Dans ce cas précis, un canal. La Scarpe. Canalisée. De main d'homme travaillée. Comme tout roman.
On ne devrait jamais parler "d'écriture fleuve" mais "d'écriture canal".
Le fleuve étant naturel.
On en revient au paysage.
A sa place. A l'espace.
Naturel. Ou pas.
J'ai cherché tout au long de cette résidence, le "Wild" comme je l'appelle... difficilement traduisible, un sentiment sans doute... de solitude au milieu d'un environnement naturel... Mais qu'est ce qu'un "environnement naturel"? L'être humain, ipso facto, fait partie de la nature, étant lui-même un élément de celle-ci (souvenez-vous des premiers épisodes), son habitat même fait partie de cet "environnement naturel"... une "nature" plus ou moins teinté de "culture", même si, à la base, un abri pour se planquer de la pluie c'est naturel. Le reste est culturel. Et sans doute superflu, si ce n'est pour dire, exposer, son appartenance à une culture... La déco, ikéa, le nain de jardin et ses suppôts, flamants roses et vierges à la cruche en plastique blanc moulés.
Ce "Wild", pour moi, ressemble à un lieu de dépossession de cette culture, voire de toute culture, pour tenter de retrouver un endroit vierge de toute construction ou organisation culturelle. Une quête de l'essence brute et d'un rapport direct à l'espace. Mais également au temps.
Le regard et l'esprit se perdent dans une contemplation du paysage qui n'est pas arrêtée par une "marque culturelle", ou un "marqueur temporel" qui va venir briser l'errance, la neutralité contemplative comme je l'appelle, quand j'en discute avec Keats. Briser l'errance et imposer un rythme.
Autour de la Scarpe, l'omnipotence de l'homme n'est plus, les lentilles d'eau ont envahi les écluses, fermées, coincées, des cheminées d'usines oubliées se perdent sous la végétation, les pontons de bois vermoulus construits ornent des abords désormais inaccessibles, les plaques (d'humaines tectoniques?) qui canalisaient la voie d'eau se sont chevauchées, cassées, le canal retrouve lentement son statut de rivière. Et en lisière du lit, parlent encore les "bras morts".
"Bras morts"; on est dans une certaine poésie, "native". Non pas dans les images éculées véhiculées; mais dans un langage qui cherche à saisir, le plus justement possible, un fond non encore attrapé. Une lumière blanche non encore filtrée. Une image juste, simple et simplement juste.
Le Niveau Zéro de l'Ecriture ( projet d'écriture sur paysage entamé avec les lettres rouges) s'approche de ce geste. Imaginé à la lisère des vagues, il cherche à placer une phrase entre la terre ferme (terra cognita des savoirs acquis, terre connue, ferme et stable) et la houle mouvante, informée, de quoi on ne le sait mais le pressent, au milieu de cette bergère d'azur infini... aux reflets changeant, dansant, le long des golfes clairs, voyez près des étangs ses grands roseaux mouillés, ses oiseaux blancs et ces maisons rouillées...
Nous construisons le réel grâce aux images reçues, vues ou via le langage, la peinture, la vidéo, les cartes postales... ce sont des informations, avec lesquelles nous construisons une vision du monde, et puis, bien sûr, ma brave dame, y'a la réalité, mais la réalité est loin, très loin, avec son essence, celle qui touche le corps, mais sans vraiment de forme, vague, ailleurs que ces informations posées, parvenues au cerveau, assemblant les choses avec une étonnante facilité et une certaine beauté... et des fois, des fois, les deux coïncident, se rencontrent, comme du temps où je vivais, ( non pas dans le troisième dessous, ivrogne, immonde, infame...) mais dans un cottage aux portes du connemara, il m'arrivait, au sommet des montagnes, de voir s'étaler sous mes pieds ces terres brûlées au vent, des landes de pierres, autour du lac...
Derrière les mots, grisés, se cache un lien. Un emballage. Un arrangement. Des arrangements autour des paroles, des publicités, des couleurs, d'autres rengaines, tout ça est une voix, un ton, une façon de penser, une façon de se présenter... une époque aussi...
Par contre pour changer de sujet et parler de la forme, ses mots liés, à la dérobée, en grisé, donnent un mécanisme propre à l'écriture en réseau: avant, la référence était soit commune avec le lecteur, soit ne l'était pas... "comprend qui peut" comme dirait bobby lapointe. Désormais, ici, l'écriture des liens peut être tissée, le texte dérape vers un ailleurs, accessible, ouvrable, découvrable par le lecteur: l'explicitation du caché, du lien, là, juste derrière le texte grisé... un clic et vous y êtes: et la référence apparaît.
La référence plus une ou deux pubs en sus, une pour le club de rencontre dans le coin à droite, mettant à mal la solitude du lecteur, et puis on vous fait patienter, le temps du chargement, avec un jingle vantant les mérites d'une marque trop cool...
L'idéal est de reprendre à soi, importer le lien, ici, en un petit écran direct, et bidouiller le langage codé pour l'épurer de toutes scories que l'on vous file avec l'extrait importé, scorie en lui-même mais, vu d'ici, il reste ça:
J'ai du lutter, longtemps, je lutte encore pour ne pas avoir Sardou en tête, à la simple évocation du Connemara. Il fonctionne en moi comme un intrus, émergeant, que l'on voudrait aisément voir mort, poignardé dans sa baignoire...
"au connemara on sait tout le prix du silence!"
Impossible de prononcer "terre brûlée, au vent, des landes de pierres..." sans avoir la musique et la bobine à Sardou, fils de Jackie.
Je continue, dans la série "comment on se construit", j'ai grandi avec ça, entre autre... une partie pour le tout. Mais celle-là me touche. On connaît peu l'homme derrière les paillettes. Le personnage est complexe, tragique, coincé dans une représentation de soi qui sans doute est loin, tiraillé entre plusieurs cultures... sa mère jouait dans l'orchestre de Pablo Casals, son père était cinéaste, là on le voit chanter une reprise de Bob Marley, paroles retravaillées, adaptées, mais devant se confronter à l'antithèse de l'endroit même où il les expose: "Mon île est triste c'est une plateforme d'acier... " L'homme est en costume, noeud papillon, au bord d'une piscine... "la mer d'iroise?"
Comme chez Sardou, où le "prix du silence" jure devant le tumulte, le bruit et la fureur de cet orchestre clinquant, froid, avec son solo de clavier électrique tentant d'imiter un violon modulant ou un tin-whistle, on est dans une rupture complète du lien entre la parole et le texte... voyez par vous-même: un ouvrier sur un derrick pétrolier, chanté par un costard tiré à 4 épingles devant une piscine grand luxe, carte postale...
(je peine à conserver des liens vidéos durables sur ce post... la machine elle-même, blogger/google, me l'empèche,un lien vers la vidéo, sur youtube.be (belge) ne peut être intégré, rendant sa diffusion limitée, cet article perdant l'accés des liens vidéos selon le pays de connexion où vous êtes...)
Les livres présents dans le lieu d'exposition posent la même question, de la réalité augmentée, (le livre étant le premier objet de réalité augmentée, une vieillerie contrairement à ce que l'on tente de nous faire croire). "En canoé sur les rivières du nord" de Stevenson parle de ça, d'un rapport à la nature que l'on veut brut, vierge, mais d'un rapport et d'une appréhension qui se fait avec les outils laissés... Trenet, Sardou, Joe Dassin... et derrière ces trois là, le Spectre (007) de l'Amérique... "La mer", un tube dit "américain"... Joe dassin... "L'amérique, l'amérique, je veux l'avoir et je l'aurais..." et Sardou... avec, encore une fois, une archive ci-dessous: un monument de la Culture Française Môsieur, et qui ne pouvait exister qu'ici, et qui en est le plus "pur" produit... en lien avec notre sujet, avec, en plus, une belle leçon de chorégraphie kinétique, observez les gestes, sont-ils naturels?
Moi, dans mon canoë, j'avais en tête, souvent, le générique de Tom Sawyer... "C'est l'amérique, le symbole de la liberté..."
Je vous le remets, ici, sur la table...
Ah! si les Ricains n'étaient pas là, les Japonais n'en auraient pas fait des dessins animés...
Et puis il y a ça...
Là, il y a tout: des vrais américains, un "native" ("He who talks loud and say nothing" mais que l'on appelle "Personne"). D'autres, porteurs d'autres cultures, comme William Blake/Johnny Depp, portant involontairement le nom d'un poète, anglais, homonyme mais inconnu, contrairement à l'indien qui lui connait par coeur toute la poésie de William Blake. Le troisième homme est un vendeur, religieux... Puis il y a le canoé. "We need a canoe". Le vaisseau, cette forme qui permet de flotter à la surface. Même mort. Presque mort. La valeur d'un personnage, de son image. En train de mourrir, lui qui n'a jamais "vécu", comme la Dame de Shallot dérivant, morte ou pas? Mais dont la barque st gravée à son nom. Nom qui permet la diffusion, la reconnaissance, portrait robot, l'image permet de véhiculer des familiarités. Reconnaitre. Passer de nature à culture. Mort ou vif. Récompense de la reconnaissance. Sur le chemin. Nature, Culture. L'indien (nature) cite du William Blake (culture) en réponse à l'évangile cité par le marchand qui a installé sa tente dans le Wild West pour y vendre ses produits. Et puis il y a la force de la plume, de l'écriture, plantée vive, qui fige la main. La bouche de feu, qui parle lorsqu'il n'y a plus rien à dire, que d'occire...
mercredi 7 octobre 2009
"the end is nigh"
La fin est proche. Les choses se referment. le temps est compté. Moins conté sans doute. L'urgence est là. Avec l'automne. L'aventure va se refermer, se clore là. Dans une salle de l'école d'art. Toutes les traces de ma rencontre avec le territoire en question. Porte du Hainaut et Parc Naturel Scarpe Escaut. Tout sera là.
En annexe.
La vraie oeuvre, clôturant la résidence, réalisée, était un passage, une traversée. Un canoé, entrant dans le territoire vers les marais de Vred, et traversant la contrée, jusqu'à son autre frontière, belge. Juste le passage d'un homme en canoé dans le paysage. Le sillon tracé se refermant derrière lui.
La navette de la fermeture éclair
ouvrit l'espace
Le sillon, ouvert, par la proue
se referma aussitôt,
vert de nouveau,
couleur lentilles d'eau.
Aucune trace de mon passage...
Juste une force qui va. Juste ça.
Pagayant. Ou poussé par le vent.
Traversant. Aucune trace de mon passage...
Aucunes?
Si tel était le cas,
l'exposition serait un hommage
à Yves Klein... Au vide.
& ses métamorphoses.
...mais durant la traversée (chute?) je n'ai pu m'empêcher:
croquer, notes, dessins, photos...
si je suis passé dans le paysage
le paysage, lui, est passé, en moi
impossible de me taire...
taire la rencontre
lundi 3 août 2009
Vred ("Scarpbooking", part #2)
La photo est floue. Le monde aussi. Ses frontières.
Vred Bled. 14h32. Un jour de pluie.
L'horloge se dit de Kensington. Ou en donne l'air. La déco est méxicaine (peinture sur le mur du fond et niche avec statue) et en donne vraiment l'air. Le raisin, vert perpétuellement, est en plastique. Luce est anglaise, elle vient de Brighton, mais vit en ce moment dans un chalet alpin à Chamonix. Comme le chocolat sur la table. Alpin. Andrès est chilien, son fils va à l'école de ma fille, à wazemmes, nous sommes voisins. On parle. Lui au Chili écrit sur le paysage avec des grosses lettres de glace, moi avec des lettres rouges en bois. Le monde est petit. A son accent le patron est un étranger, il confirme être de la métropole, de Tourcoing. Un temps cabaretier à Oleron. Puis retour dans le Nord, ici à Vred.
Les espaces s'entrecroisent. Se chargent l'un de l'autre. Via les porteurs qui les ont traversés. S'en sont chargés. Et modifient le second en fonction du premier. Les espaces naturels, pour rester un tant soit peu naturels, doivent se protéger de ça.
Ici à Vred, les gaulois étaient là, il y a longtemps. Pas de télés, pas internet. Et contrairement aux hommes préhistoriques présents, on peut imaginer que ces gaulois avaient, des fois, la visite de gens costumés (les hommes préhistoriques ne l'étant pas, puisque nus, le poil étant sans doute différent selon les tribus, les différences étaient sans doute plus subtiles que l'uniformisation du à une mode, une culture) comme des Romains ou quelques Vikings ( pour revenir à cet histoire de costumes, je m'avance un peu je crois, puisque suite à des recherches, j'ai remarqué que pour les braies, elles étaient semblables pour les gaulois, romains et vikings: la preuve est ici sur e-bay où un internaute vend des braies neuves de Romain Gaulois Vikings).
Les gaulois donc étaient là. Les temps se croisent. le village fut donné à l'abbaye d'Anchin lors de sa fondation en 1079. Les gaulois se chauffaient sans doute déjà à la tourbe ( les espaces en moi se croisent: j'ai vécu deux ans en irlande, à Oughterard, aux portes du Connemara, la rivière au bout du jardin finissant dans le Lough Coriib, l'hiver je me chauffais à la tourbe, le reste du village aussi, ce qui donnait à l'espace une odeur particulière, celle de la tourbe brûlée, et une sensation de communauté dans ces cheminées fumantes à la tombée de la nuit, attrapant les rayons de lune... mais je m'éloigne...) (non en fait je suis en plein dedans: la perception de l'espace ne se faisant que par le sujet même arrivant avec son histoire, son regard et son idée de "nature"...)
On me l'a dit donc, et ça se voit encore, là à quelques pas, dans la tourbière ancestrale. Et l'histoire, facilement imaginable dans mon esprit se colle lentement au lieu. On me renseigne et j'augmente mon regard de cette information: "La tourbière de Vred, zone humide continentale d'une superficie de 41 ha., s'inscrit dans le système alluvial de la basse Scarpe (près de 40 000 ha). Elle repose sur des alluvions tourbeuses dans lesquelles l'eau circule très difficilement en raison de l'absence quasi totale de pente : situé entre 16 et 17,5 m, le site tend à décrire une cuvette par rapport à son environnement immédiat. Géologiquement, la réserve se caractérise par une accumulation hétérogène de sables et d'argiles tertiaires reposant sur des couches crayeuses.
La réserve est l'une des trois dernières tourbières alcalines actives de la région. En effet, la tourbe fut autrefois exploitée (XIIIe jusqu'à la fin du XVIIIe siècle), activité qui fut ensuite supplantée par la fauche et les pratiques maraîchères favorisées par la mise en place d'un important réseau de drainage subsistant encore aujourd'hui (de nombreux fossés, plus ou moins atterris, jalonnent l'ensemble de la réserve). Deux étangs sont présents sur la réserve : un étang de chasse et un second, plus au sud. La chasse au gibier d'eau y est pratiquée ; la pêche l'est, quant à elle, occasionnellement.
La variété des milieux (bois, étangs, roselières, sphagnaies) et les nombreuses unités de végétation (33 au total) accueillent une diversité de vie étonnante (flore, invertébrés, vertébrés et fonge).
A ce jour, ce patrimoine est riche, au moins : 267 espèces végétales (17 protégées), plus de 170 espèces de champignons (dont 15 uniques pour la région), 98 espèces d'arachnides et opilions, 16 espèces d'odonates, 6 espèces d'amphibiens (dont Rana arvalis), 98 espèces d'oiseaux (près de 60 nicheurs)…Des peupleraies et des frênaies sont également à signaler, surtout au nord et à l’est de la Grande Tourbière. Avec le marais de Marchiennes, le site abrite sans doute une des dernières tourbières encore actives du Nord, avec en particulier une tourbière boisée flottante à phaignes plus ou moins unique au niveau régional. Sur une cinquantaine d’hectares,de précieux biotopes marécageux ont ainsi pu se différencier, hébergeant une flore et des communautés végétales parmi les plus rares et les plus originales du Nord-Pas-de-Calais."
Toujours est-il que mon esprit est une tourbière aussi, un étang profond sur lequel des particules en suspension se sont mises à flotter, flotter, je suis tellement abreuvé d'informations que ces particules en suspension sont devenues croûte, je me déplace dessus aisément, posant des fois, si l'attention fait défaut, le pied dans une trappe, un endroit moins "solide"... déchu, je ne marche plus sur l'eau, mon corps s'y enfonce, au dessous de cette banquise de limon, neuf à dix mètres d'eau... là où les particules en suspension n'ont pas cette solidité croûteuse, solidité qui n'existerait pas sans ce liquide amniotique, nourricier, porteur... Au sommet des Twelves Bens, de Ben Bulben ou autre montagne spongieuse du Connemara, le sol et l'eau qu'"il contient, ou l'inverse, l'eau qui contient le sol, porte les vibrations de chaque pas très loin.
Si je saute en l'air, l'onde de ma chute sera perçue à une dizaine de mètres de là, par un voisin.
Peut-on percevoir des choses sans toujours les ramener à soi?
In the beginning... ("Scarpbooking", part #1)
Dernier café avant l'épopée. Quatre jours de canoë, remontant la scarpe, rivière canalisée fermée, délaissée, traversant le parc naturel, jusqu'à la frontière belge, pour se jeter dans l'escaut.
Dernier café international à Vred avec Andrès Costa ( from Valparaiso, Chile, du projet Escalofrio) et Luce Choules (Brighton, en résidence avec le Centre Régional de la Photographie). Dehors la pluie tombe.
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