lundi 12 janvier 2009


Dans mes toilettes, à Wazemmes, je lis un livre acheté dans la librairie "Un pas de côté", à Béthune. "Un pas de côté" à éviter ici. Dans la position la plus sédentaire qui soit. Assis sur ce réseau de tubes et tuyateries qui s'enfoncent dans la terre, comme une continuité propre de notre intime oesophage jusqu'à la station, d'épuration, à quelques kilomètres de là. Du voyage aussi.
Moi assis je lis. "De la Marche" de Henry David Thoreau. Mort depuis longtemps, en terre, quelque part là-bas aux Etats Unis d'Amérique, près du bosquet de Walden, sans doute. Entre mes mains, ses mots. Traduits. Passés par le corps et l'esprit de Thierry Gillyboeuf. Et moi je suis là, assis. Avec déjà des tonnes de kilomètres parcourus, à juste tenir ce livre.
Je l'ouvre au hasard, et hop. Les mots surgissant sous mes yeux sont de ceux qui puisent aisément ce qu'il y a en moi, informé encore, ou formé ici et là, mais sous une autre forme: ça résonne. Le livre dans les mains, les mots en écho, ça respire, ça transpire, ça va-et-vient, entre les mots posés et l'interné en moi. Moi et ce territoire que je parcours souvent. Territoire dont une partie est un Parc Naturel. Et donc, me tarbuste, ce rapport à la Nature.
A la Nature et à l'Image de Nature, la Nature Imagée également.
Ou la Nature Imaginée comme Nature, construite comme telle.
Mais construite.
Culture donc.

Maestro!
Thoreau: "De la marche"
"L'Ouest dont je parle n'est rien qu'un synonyme du mot "sauvage", et ce que je me prépare à dire, c'est que dans la Vie sauvage repose la sauvegrade du monde. Chaque arbre envoie ses fibres à la recherche de la Vie sauvage. Les villes l'importent à prix d'or. Les hommes labourent et naviguent pour elle. Des forêts et de la vie sauvage, proviennent les toniques et les écorces qui revigorent le genre humain. (...) Je crois en la forêt, en la prairie et en la nuit où pousse le maïs. Il y a une différence entre manger et boire pour y puiser de la force et la pure gloutonnerie. Les Hottentots dévorent avec avidité la moelle crue du koudou et d'autres antilopes, tout naturellement. Certains de Nos Indiens du Nord mange la moelle crue du renne polaire ainsi que d'autrees parties et en cela il est possible qu'ils aient devancé les maitres-queux de Paris. Ils prennent ce qui sert d'ordinaire à alimenter le feu. C'est sans doute meilleur que le boeuf nourri en étable et le porc d'abattoir pour bâtir un homme.
Il y a des intervalles dans le champ mélodieux de la grive des bois, sur lesquels j'aimerais émigrer (...)"

A le relire, un jour après, je le trouve un peu moins fort, comme si la substantifique moelle avait déjà un gout de réchauffé, j'ai perdu, sans doute, le goût de sa crudité qui me frappa, tronant, assis. Sauf la fin, poétique, un joyau...
"Il y a des intervalles dans le champ mélodieux de la grive des bois, sur lesquels j'aimerais émigrer"

A le relire, je suis déjà dans l'après, dans le lendemain de cette journée passée à Petite Forêt, à la frontière du Parc.
Loin. Loin de toute Nature. Proche d'une douce Sauvagerie, celle qui éloigna l'homme d'un rapport direct au monde.
Et qui fit de l'homme, non plus un homme, mais une image d'homme.

Et dont, justement; voici quelques images.







Le monde est moche mais les images sont belles...




En même temps, des fois, un certain cadrage peut redonner du sens au monde.

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